Le chanvre indien – un drame pour notre jeunesse et plus largement pour notre pays

Le chanvre indien –un drame pour notre jeunesse et plus largement pour notre pays
Professeur Jean Costentin*

La « pandémie cannabique »
Le cannabis est la drogue illicite la plus consommée en France ; notre nation détient à cet égard le record européen.
Le « baromètre santé » de l’INPES (Institut national de prévention et d’éducation sur la santé) et de l’OFDT (observatoire français des drogues et des toxicomanies), publié en avril 2015, fait état d’une consommation de cannabis qui continue de s’élever dans notre pays. Le comparant au pourcentage d’individus de 15 à 64 ans qui le consomment en Europe, la France apparaît au premier rang, avec un chiffre de 41%, suivie du Danemark (36%), de l’Espagne (30%), de la Hollande (26%), de l’Allemagne et de la Tchéquie (23%), de l’Italie (22%)….
– l’expérimentation chez les 18-64 ans, en France, a augmenté de 27% sur la période 2010-2014, passant de 33% à 42% ; ce qui prolonge la tendance observée depuis les années 1990, « mais de manière plus marquée » précisent l’OFDT et l’INPES;
– l’usage actuel du cannabis connait également une hausse très nette entre 2010 et 2014, particulièrement chez les jeunes (+ 36% chez les hommes et + 40% chez les femmes). Il progresse dans la population générale, passant de 8% à 11% (il n’était que de 4% en 1992). La consommation est plus élevée chez les hommes (15%) que chez les femmes (7%). Parmi les usagers, la proportion de ceux qui présentent un risque élevé d’usage problématique (au sens du Cannabis Abuse Screening Test = CAST) concerne 21% des 18-64 ans, c’est à dire un sujet sur cinq ayant utilisé la drogue au moins une fois au cours des 12 derniers mois;
– L’usage régulier du cannabis connaît également, au cours de cette même période, une très forte progression (+ 41%), passant de 2,2% à 3,1% entre 2010 et 2014 ; « ceci étant observé pour toutes les tranches d’âge » font remarquer l’OFDT et l’INPES;
– Enfin ce « baromètre santé » constate que « cette hausse s’inscrit dans un contexte de net accroissement de l’auto culture et de la production locale d’herbe, avec plus de 140.000 pieds de cannabis saisis en 2013, contre 55.000 en 2010. En parallèle, le marché de la résine demeure très dynamique avec un niveau de saisies important ».
Les régions où l’expérimentation du cannabis est la plus élevée sont le: Languedoc-Roussillon, suivi de la Provence-Alpes-Côte-D’azur, de la Bretagne, de l’Aquitaine (35%), à égalité avec l’Ile-de-France (35%). Près de 45% des jeunes se sont déjà approché du cannabis, contre 32% pour les 15-64 ans : la Bretagne et le Languedoc-Roussillon se distinguent par leurs niveaux très élevés d’expérimentation (56%).
Le terme pandémie, utilisé dans une séance de l’académie nationale de Pharmacie  consacrée à cette drogue est en l’occurrence bien choisi. Les chiffres des consommateurs atteignent en effet dans notre pays des niveaux exceptionnels. Ils nous situent, on l’a dit, au premier rang de consommation des 28 états membres de l’Union Européenne. A partir de données essentiellement déclaratives, notre pays compte 1.600.000 usagers réguliers de cannabis. Un « usager régulier de cannabis » est celui / celle qui consomme au moins un joint tous les trois jours. Eu égard à l’exceptionnelle persistance dans l’organisme de son principe actif, le tétrahydrocannabinol (le THC), cette fréquence de consommation assure une imprégnation permanente de l’organisme par le THC. Ces usagers réguliers sont donc dépendants du THC (homologues des alcoolo-dépendants pour l’alcool). On dénombre plus de 600.000 sujets qui en abusent, par une consommation uni- ou multi-quotidienne (homologues des alcooliques pour l’alcool). Ces chiffres sont énormes, au regard du caractère illicite de cette drogue, dont l’usage est, tout de même, relativement réprimé. Trois cent mille de nos gamins, entre 12 et 15 ans, c’est-à-dire au collège, entre la cinquième et la troisième, s’en sont déjà approchés ; or, plus tôt l’essayer c’est plus vite l’adopter et, nous le verrons, c’est plus intensément se détériorer. Les empreintes précoces sont des empreintes durables, qui peuvent laisser des cicatrices profondes et indélébiles.

Les produits et leurs origines
Le cannabis, ou chanvre indien, se distingue du chanvre textile essentiellement par sa résine, qui concentre un principe actif, psychotrope, toxicomanogène, le THC. Cette variété indica (vs. sativa) s’est développée à son origine sur les contreforts de l’Himalaya, dans des régions sèches. Pour se protéger de la dessiccation, la plante secrète une résine, qui concentre sur ses feuilles et plus encore sur ses fleurs (fleurs femelles en particulier) le THC. Depuis sa très lointaine origine la plante a largement diffusée à travers le monde, suivant en particulier l’expansion du monde arabo-musulman. Il est cependant à noter que le Coran en prohibe l’usage, comme il prohibe celui de toutes les substances qui perturbent le psychisme (tel l’alcool).
Les produits actuellement en circulation ont des teneurs élevées en THC ; elles sont  presque décuplées relativement au « chichon » d’autrefois. Oubliez les « moquette », « fumette », « beuh », «herbe » d’antan, aux désignations aimables et rassurantes ; le cannabis nouveau est arrivé. Ce n’est pas la drogue douce dont on le qualifie encore trop souvent. Le « poison est dans la dose », les méfaits du cannabis se sont accrus ; aggravés  de surcroît par différents florilèges (cf. infra).
Le cannabis consommé en France, très majoritairement sa résine (« haschisch », « shit »), provient principalement du Maroc, où sa culture est officiellement interdite. Néanmoins, dans le Rif (entre la Moulaya et la Méditerranée), 100.000 hectares en étaient plantés. La communauté européenne, inondée par cette drogue, pour tenter d’en réduire le déferlement, a subventionné des opérations de reconversion de ces terres agricoles. Alors, bonne nouvelle, les surfaces cultivées de chanvre indien se sont significativement réduites (d’un quart à un tiers semble t’il) mais, mauvaise nouvelle, des vues aériennes montrent que désormais, grâce à l’installation de systèmes d’irrigation dans les surfaces où il reste cultivé, la densité des plantations s’est accrue ; ce qui maintient la production à son niveau antérieur. En Europe, la production des cultures sous serre des Pays Bas est maintenant dépassée par l’abondance des cultures (illégales) pratiquées en Albanie.
Pour effectuer sa culture à domicile (« culture du chanvre en chambre »), qui est en pleine expansion, les cannabiculteurs français ont libre accès, presque à leur porte, à des magasins, les « grow shops », à l’enseigne de « T.H.C.» qu’il faudrait traduire par « Tout pour l’Horticulture Controlée » (il n’y a que la puissance publique qui ne contrôle pas !). Ces magasins, implantés dans la plupart de nos grandes villes, proposent à la vente tout le matériel nécessaire à cette culture : lampes à vapeur de sodium ; appareils assurant une hygrométrie optimale ; minuteurs permettant de réguler le cycle jour-nuit ; systèmes de climatisation ; billes de polystyrène pour une culture hydroponique (i.e. sans terre, pour ne pas salir la moquette). Ces billes de polystyrène seront imbibées de liquides qui rassemblent, à des concentrations optimales, tous les ingrédients propices au développement de la plante et à la production maximale de THC par ses feuilles et plus encore par ses fleurs (fleurs femelles, beaucoup plus riches en THC que les fleurs mâles). Nos cannabiculteurs n’ont plus qu’à commander les graines des cultivars les plus producteurs de THC, sur le NET ; elles leurs seront livrées à domicile par la poste. Ajoutons à cela la recette (indiquée ici parce qu’elle est totalement éventée) que si l’on coupe, dès qu’elles sont reconnaissables, les fleurs d’un pied mâle (lui faisant subir une sorte de castration), les fleurs femelles, à défaut de pollen, ne seront plus fécondées. Elles évolueront sans former de graines, ce qui leur confère des taux extravagants de THC (20-30%) ; c’est la fameuse sinsemilla (sans semence, i.e. sans graine). Des journaux de grande diffusion, tels « Le Monde » ou encore «Marie-Claire », ont fait l’apologie de cette culture très rémunératrice, ce qui n’est pas sans en redoubler l’attrait, dans cette période de chômage et de récession économique (« merci les préventeurs »). Au cours du dernier demi-siècle le taux de THC dans le cannabis en circulation s’est considérablement accru.
Comment peut-on imaginer qu’une plante puisse accroître, à la demande, la concentration du principe actif qu’on attend d’elle ? Plusieurs florilèges se sont appliqués à satisfaire le besoin croissant de THC du cannabinophile. Il y a d’abord la sélection génétique, qui permet de cultiver les variétés les plus richement dotées en THC. Il y a aussi la reproduction dirigée. Le chanvre indien est une plante dioïque (i.e. qui comporte des pieds mâles et des pieds femelles ); ayant repéré d’une façon quasi  extemporanée la richesse en THC de tel pied mâle et de tel autre pied femelle, on féconde les fleurs de ce dernier par le pollen des fleurs de ce premier. Les graines qui en résultent concentrent le caractère de richesse en THC des deux parents. Cette stratégie est reproduite sur plusieurs générations successives. Ainsi sont apparus sur le marché (en Hollande, qui les diffuse larga postu, via le NET, dans nombre d’autres Etats) de très nombreux cultivars, caractérisés par leurs taux élevés de THC et comportant quelques autres attraits, olfactifs et/ou gustatifs ; parmi eux citons les skunk, superskunk, misty, ice blue, nederwiet, etc… Un autre florilège, toujours au service de taux élevé de THC, fait appel à des manipulations génétiques. On remarquera au passage que certains écologistes vent debout contre le maïs transgénique, sont d’une discrétion de violette sans parfum pour dénoncer ces transgénèses au bénéfice du cannabis…

Les modalités de consommation du THC
Le cannabinophile peut fumer directement la plante, i.e. ses feuilles, de courts fragments de ses rameaux et ses fleurs, particulièrement les fleurs femelles les plus riches en THC. Tous ces éléments correspondent à « l’herbe », ou « beuh » (en « verlan »), ou marijuana. Ils sont roulés dans des feuilles de papier à cigarette de grand format, vendues librement par les buralistes, sans âge minimal requis pour l’achat, alors qu’elles n’ont d’autres usages que la confection des « pétards».
En France, la résine de cannabis est très majoritairement consommée. Elle est obtenue par battage de la plante, pour en détacher les fins globules de résine. Ces globules sont ensuite agglomérés par des adjuvants variés, qui peuvent être intrinsèquement toxiques. On y a trouvé du verre pilé (qui a fait l’objet d’une alerte sanitaire), de la poudre de henné, de la poudre de pneu et même de la crotte de chameau. On soulignera au passage le peu de considération qu’ont ceux qui intoxiquent (en se constituant de belles fortunes) pour ceux qu’ils intoxiquent (et appauvrissent, à tous les sens du terme). Cette résine (haschich / shit) est présentée sous forme de tablettes, barres, savonnettes, d’une teinte chamois à verdâtre. Elle sera égrenée dans du tabac, pour confectionner, avec du papier à cigarette, des « joints ».
Cette résine, toujours égrenée dans du tabac, peut être introduite dans des pipes classiques, mais aussi dans des pipes à eau (chicha, shilom, bang, bong). Cette modalité tente surtout les plus jeunes, encore peu habiles à rouler des joints ou des pétards. Ces pipes à eau sont en vente libre, sans âge minimum ; elles sont d’un prix modique (20 euros) ; elles sont parfois exposées en vitrine. (Bravo aux « pouvoirs » publiques pour leur vigilance quant à l’application de la prohibition).
L’usage de la pipe à eau peut multiplier d’un facteur 100 la cession du THC à l’organisme. Un fumeur de cigarette, quand il a aspiré une quarantaine de millilitres de fumée, cesse spontanément son aspiration, en raison de l’échauffement de sa cavité buccale produit par cette fumée. Avec la pipe à eau, cette restriction du volume des fumées inspirées n’existe plus, car les fumées, ayant barboté dans de l’eau fraiche, sont refroidies. L’utilisateur vide ses poumons de tout l’air qu’il peut expirer (par une expiration forcée) puis, par le tuyau de la pipe, il inspire la fumée de façon maximale. Le volume inspiré est alors la somme des 1500 ml de volume de réserve expiratoire, auquel s’ajoute les 500 ml de volume courant (correspondant au volume d’air que nous mobilisons régulièrement au repos), majoré encore des 2.000 ml de volume de réserve inspiratoire (ce que nous pouvons inspirer de façon supplémentaire à l’issue d’une inspiration normale). Cela fait, au total,  4.000 ml de fumées (4 litres) ; ce qui est donc 100 fois plus que lors d’une aspiration normale (une bouffée, une taffe/taf) à partir d’une cigarette. Le béotien imagine que l’intrusion d’une telle quantité de fumée dans l’appareil respiratoire (bronches, bronchioles, alvéoles) suscite, sans délai, une violente toux d’irritation, faisant vite expirer ce qui vient d’être inhalé. Il n’en est rien car le barbotage dans l’eau retient les substances irritantes, hydrosolubles, produite par la fumée. Ainsi le fumeur, dont les alvéoles sont remplies de fumées, les retient en se mettant en apnée (inspiratoire) pendant plusieurs dizaines de secondes, ce qui donne le temps à tout le THC contenu dans cette fumée, de diffuser au travers de la membrane alvéolo-capillaire et d’apparaître dans le sang. Une telle apnée, après l’inhalation de fumées n’apportant pas d’oxygène (celui-ci ayant été consommé lors de la combustion du tabac et de la résine), installe une chute de l’oxygène sanguin (une anoxie) qui a pour effet d’accroitre le rythme cardiaque et la force de contraction du ventricule. C’est donc avec un enthousiasme redoublé que le sang chargé de THC est envoyé vers le cerveau et qu’un véritable tsunami de THC s’y déverse. On aurait aimé croire que le THC des fumées tout comme les substances irritantes aux effets tussigènes, serait retenu dans l’eau, lors du barbotage. Il n’en est rien car le THC est à peu près insoluble dans l’eau.
Une autre modalité de consommation du THC consiste à déposer sur le papier d’une cigarette de tabac, une goutte d’huile de cannabis. Il s’agit d’une solution concentrée (≈60%) de THC, obtenue par extraction de la résine de cannabis (shit / haschisch) par des solvants organiques, suivie de leur évaporation.
Plus récemment encore s’est développée la vaporisation du THC par des « vapoteurs », identiques à la «e-cigarette», ou cigarette électronique (utilisée par les fumeurs de tabac à la recherche d’une moindre toxicité pulmonaire), les recharges étant constituées d’huile de cannabis.
Un spray, à prétention thérapeutique, le Sativex®, a séduit à l’étranger des patients qui l’ayant utilisé et en étant devenus « accros », lui prêtent des vertus thérapeutiques, bien au-delà de la modestie intrinsèque de ses effets. Ils ne tarissent pas d’éloges que les médias relayent à l’envi. Cela rappelle le vif engouement qu’avait suscité autrefois le vin Mariani, riche en cocaïne. Cette panacée avait même séduit le pape Léon XIII, au point qu’il honora son concepteur (le pharmacien Corse Angelo Mariani) d’une médaille d’or du Vatican. Le pape Pie X n’aurait pas boudé, lui non plus, ce vin Mariani ; l’opium des papes ?
Notons encore l’administration par voie orale du THC, dissous dans des corps gras (pâtisseries orientales, space cakes).
Toujours plus fort, car en matière de toxicomanies rien n’est jamais fini (l’imagination des toxicomanes et, plus encore, l’imagination de ceux qui exploitent leur addiction, est sans limite), on voit apparaître, presque chaque mois, de nouveaux cannabinoïdes de synthèse. Leurs effets sont supérieurs, voire très supérieurs, à ceux du THC., ainsi, bien sûr que leur toxicité. Certains peuvent, par exemple, être vaporisés dans une pièce de séjour, à la façon de l’encens ; ce sont les spices : K2, Bizarro, Yucatan Fire, Black Mamba, Eclipse…Ils sont vendus sur Internet, présentés comme de petits sachets d’herbes. Ils comportent la mention « impropre à la consommation humaine », faisant croire qu’il s’agit d’une sorte d’encens à bruler. Ces subterfuges leur permettent de passer entre les mailles de l’interdiction. Ils acquièrent une grande popularité chez les jeunes et moins jeunes à la recherche d’étourdissement et d’autres expériences hallucinatoires et délirantes.

Les singularités du THC liées à sa solubilité dans les graisses
Le devenir du THC dans l’organisme (« pharmacocinétique »)
Le THC est extrêmement lipophile (i.e. soluble dans les graisses / les lipides), alors qu’il est très peu hydrophile (i.e. très peu soluble dans l’eau). Il se distribue / se partage / se répartit entre de l’eau et de l’huile, de telle sorte qu’à l’équilibre sa concentration dans la phase huileuse / lipidique (l’huile) est cent millions (100.000.000) de fois plus élevée que dans la phase aqueuse (eau). Dans ce qui suivra, on peut assimiler le plasma sanguin à la phase aqueuse et le cerveau (très riche en lipides/graisses complexes) à la phase huileuse.
S’agissant de la pipe à eau, on a vu que les fumées produites par la combustion du cannabis, lors de leur barbotage dans l’eau, n’y abandonnent à peu près pas de THC ; le faisant apparaitre ainsi, sans déperdition, dans les alvéoles pulmonaires. Du fait de sa lipophilie le THC traverse aisément la membrane (membrane alvéolo-capillaire) qui sépare l’air des alvéoles pulmonaire du courant sanguin. Le THC apparaît ainsi dans le sang. Il est véhiculé dans le courant sanguin, et accède abondamment dans le cerveau. En effet, alors que le cerveau ne représente qu’un quarantième environ du poids du corps, il est particulièrement privilégié par la perfusion sanguine ; un quart au moins du débit sanguin cardiaque lui est destiné ; il est donc, relativement aux autres organes, favorisé d’un facteur 10. Entre le torrent circulatoire et le cerveau existe une frontière – la barrière hémato-encéphalique -, dont la fonction est de distinguer, parmi les substances véhiculées dans le  sang, celles qui ont vocation à accéder au cerveau et celles qui doivent en être refoulées. Le THC, grâce à sa liposolubilité, franchissant avec une extraordinaire facilité cette barrière, pénètre dans le cerveau. Il chemine / diffuse alors entre les neurones (cellules nerveuses) et les autres cellules (cellules gliales). Au cours de cette diffusion il peut s’associer / se lier, temporairement, à des sortes de guichets de la membrane cellulaire (récepteurs) communiquant aux cellules qui les portent des informations, qui affecteront leur fonctionnement. Après cette brève étreinte avec ses récepteurs CB1 (cannabinoïdes du type 1, car il en existe du type 2 à différents niveaux du corps) suscitant des effets multiples, le THC, à la différence de toutes les autres substances psychotropes, ne repart pas vers le sang. Il ne regagne pas la périphérie (le corps, « le rez de chaussée »), pour être rapidement éliminé. Du fait de sa lipophilie, le THC se dissout dans les graisses / lipides qui participent en abondance à la composition des membranes des neurones et des autres cellules cérébrales. Cette richesse du cerveau en constituants lipidiques, me le fait parfois désigner, trivialement, comme notre « motte de beurre ». De par sa richesse en lipides, le cerveau constitue un important réservoir pour le THC. Le flux sanguin apporte le THC au cerveau, mais le reflux ne le remporte pas. Cela ressemble à une vague qui, à la marée montante, se répand sur une plage de sable sec ; elle est bue et ne reflue pas. Le THC apporté par le sang se répand  dans le cerveau ; il est bu en quelque sorte par ses membranes lipidiques et n’en repart pas. Chaque vague successive de THC vient accroitre la quantité retenue. Lors de la marée basse du THC sanguin (dans l’intervalle des « joints » ou des « pétards ») le THC qui était retenu par les lipides cérébraux s’en libère au très long cours ; il ruisselle à partir des stocks constitués. L’assèchement / le tarissement de ces stocks est très lent. Ainsi, deux mois après l’arrêt complet de toute consommation de cannabis, ses consommateurs réguliers continuent d’éliminer dans leurs urines des dérivés de ce THC. Libéré au long cours de ses stocks lipidiques, le THC réapparait dans le sang, qui l’amène au foie. Le foie le transforme en dérivés moins lipophiles, donc plus hydrophiles / hydrosolubles (dérivé hydroxylé, puis carboxylique), qui alors peuvent franchir le filtre rénal et être éliminés dans l’urine (« cannabinoïdes urinaires »). Cette longue persistance du THC dans le cerveau et d’autres tissus lipidiques de l’organisme justifie l’expression : « un joint c’est pour une semaine dans la tête et plein de joints c’est pour des semaines, et même des mois, dans le cerveau et dans les panicules adipeux de l’organisme ». De toutes les substances étrangères à l’organisme (xénobiotiques) connues (à l’exception d’un médicament pour le cœur – l’amiodarone) le THC est la seule à s’attarder aussi longtemps dans l’organisme (en l’occurrence le cerveau) après son introduction dans celui-ci.
Le THC – une drogue aux effets très durables
Si le consommateur de cannabis vient à interrompre sa consommation, ce n’est qu’après deux à trois jours qu’il ressent nettement les effets de sa privation et qu’il éprouve le besoin impérieux d’en consommer à nouveau. Ce long intervalle libre, comparé aux 60 à 90 minutes intercalées entre deux cigarettes de tabac, a été interprété, à tort, comme la preuve d’une faible dépendance au cannabis. Cette interprétation est erronée. Ce long intervalle libre est la conséquence de l’exceptionnelle persistance du THC dans l’organisme, comparée (par exemple) à la brièveté de celle de la nicotine. De jeunes consommateurs qui m’étaient adressés en consultation et venaient en renâclant, justifiaient leur protestation de cette consultation autoritairement décidée par leurs parents, en déclarant avec l’assurance d’Auguste dans Cinna (« maitre de lui comme de l’univers »),  «qu’ils maitrisaient leur consommation »! Invariablement ils déclaraient ne fumer qu’un joint tous les jours, ou tous les deux jours, voire même tous les trois jours. Mais alors, demandais-je «pourquoi pas tous les quatre jours ? « Alors là, non, c’est trop » (faut pas pousser…). Je leur expliquais qu’ils ne devaient pas se comparer aux fumeurs de cigarettes dont la nicotine disparaît très vite de leur organisme, les contraignant à reprendre une cigarette toutes les heures, pour remplacer la nicotine qui a disparue de leur organisme. Je complétais en soulignant que leur « réservoir de cannabis  était si grand qu’ils n’avaient pas besoin de repasser souvent à la pompe ». Cette métaphore me permettait de gagner des points et de prolonger mon avantage en martelant que le cannabis, par son THC, n’est pas une drogue douce, mais une drogue lente, très lente même. L’idée a longtemps prévalue de la modestie de son pouvoir d’accrochage, au travers du caractère apparemment erratique de sa consommation. La consommation d’un joint tous les trois jours correspond à la définition d’un consommateur régulier. En France, actuellement, 1.600.000 personnes, consomment le cannabis à ce rythme. Ils sont les homologues des alcoolo-dépendants qui n’étant jamais ou presque jamais ivres, ont besoin néanmoins chaque jour, de consommer à une ou plusieurs reprises, une boisson alcoolique. L’individu qui ne fume qu’un joint tous les trois jours est en permanence sous l’influence du THC ; le THC occupant en permanence une certaine fraction de ses récepteurs CB1 cérébraux. Les tenants d’un faible pouvoir d’accrochage du cannabis méconnaissaient ou voulaient méconnaitre sa singulière persistance dans l’organisme. Leur interprétation a contribué à la banalisation de cette drogue. On est frappé, mais pas dupe, de la facilité avec laquelle cette idée fausse a fait son chemin. Les interprétations erronées qui arrangent bien abolissent l’esprit critique ; on s’en contente rapidement, on se dispense d’en chercher une autre ; et on s’applique à la faire diffuser rapidement dans l’opinion.  C’est là une modalité commune de la désinformation.
Mais diront alors nos détracteurs, pourquoi certains fument-ils dix « joints » par jour, si un seul tous les trois jours est suffisant pour occuper la place ? C’est parce qu’intervient le phénomène de tolérance. Il n’est pas particulier au THC, il ne l’est pas non plus aux seules drogues, il peut concerner différents médicaments, parmi lesquels des laxatifs, des vaso-constricteurs nasaux, des hypnotiques, etc… Cette diminution de sensibilité à l’action du THC s’installe plus ou moins rapidement ; elle contraint son consommateur à accroître la dose et/ou la fréquence de ses administrations pour maintenir l’intensité de l’effet qui avait perçu à l’origine de sa consommation. A cela peut s’ajouter le désir d’intensifier l’effet perçu. Un leitmotiv, une demande pressante du toxicomane s’exprime « toujours plus, toujours plus souvent, toujours plus fort ». Lors de son tout premier verre de vin celui qui deviendra alcoolique a pu éprouver l’ivresse, alors qu’après plusieurs années de libations, ses trois litres de vin quotidiens installent à peine l’ivresse.
L’intensité de l’accrochage au THC se lit au travers du nombre important de ses consommateurs réguliers (on a dit 1.600.000 en France), en dépit d’un coût non négligeable qui s’ajoute au budget tabac ; de son caractère illicite qui peut valoir au contrevenant des poursuites judiciaires,  et plus encore par la véhémence et même souvent l’agressivité que déploient ses consommateurs pour contredire les messages sanitaires qui leur sont délivrés et pour requérir sa légalisation.
Le THC disparaît du sang pour aller se stocker dans le cerveau
Une autre singularité du THC, liée encore à sa lipophilie, réside dans le fait que sa disparition rapide du sang ne correspond pas à son élimination de l’organisme (il n’apparaît ni dans l’air expiré, ni dans les égouts de la ville, via l’urine ou les fèces), mais à son stockage durable dans le cerveau et, à un moindre degré, dans les panicules adipeux du corps (moindre degré, car ils sont beaucoup moins irrigués par le sang que le cerveau). C’est là une différence essentielle avec l’alcool ou la nicotine qui, quand ils disparaissent du sang, disparaissent simultanément du cerveau et de tout l’organisme. Quand le THC quitte le sang c’est pour se concentrer, se stocker dans le cerveau, pour y agir et pour y perdurer.
Des troubles psychiques d’apparition soudaine, peuvent être perçus, quelques semaines après l’arrêt de toute consommation de cannabis. Certains de ces troubles, ayant eu des conséquences médico-légales, ont fait pratiquer des dosages sanguins du THC, qui ont révélé des taux faisant évoquer une consommation récente de cannabis, alors que cette éventualité pouvait être formellement exclue. Ces « flash-back », qu’on pourrait traduire « résurgences inopinées », semblent correspondre à un relargage soudain du THC stocké dans les graisses, sous l’influence vraisemblable d’un stress (une libération d’adrénaline pouvant mobiliser le THC stocké ? par une action vasculaire). La victime de ce trouble peut se sentir comme plaquée au sol, telle une grosse pierre (« stoned »). Un flash-back, s’il survient au volant, peut déclencher une conduite dangereuse ; il peut aussi s’accompagner d’hallucinations ou d’un délire soudain, à l’origine d’une auto-agressivité (telle une défenestration) ou d’une hétéro-agressivité (avec l’agression d’autrui).

Le THC est actif à de très faibles doses
Comparé aux doses actives d’autres drogues, le THC a la singularité d’agir à de très faibles doses (« fifrelinesques »). La difficulté du dosage de telles micro-doses dans le sang, a différé la période où l’on a su les mesurer. Ce dosage fait appel à des techniques qui requièrent des matériels sophistiqués et, bien sûr, coûteux (chromatographie liquide haute performance, couplée à la spectrométrie de masse). On sait maintenant détecter la présence du THC au seuil de 0,2 microgramme par litre de sang (i.e. deux dix millionième de gramme par litre  = 2 x 10-7 g/L  = 2 µg/L). Alors que les effets ébriants de l’alcool sont ressentis pour une alcoolémie de l’ordre du gramme par litre (rappelons qu’il est répréhensible de conduire un véhicule, sur la route, à partir de 0,5 g/L), pour éprouver les effets stupéfiants de la morphine il faut atteindre des concentrations de l’ordre du milligramme par litre (i.e. d’un millième de gramme par litre ; 1 x 10-3 g/L), tandis que pour ressentir les effets ébriants et stupéfiants du cannabis il suffit de concentrations de THC mille fois moindres encore, soit 1 microgramme par litre (i.e. un millionième de gramme par litre ; 1×10-6 g/L).

Le THC agit sur des cibles biologiques (récepteurs) qui sont celles de substances endogènes   (endocannabinoÏdes)
Une autre singularité du THC, est liée à ses cibles d’actions, ses récepteurs. Ils sont de deux types principaux : les récepteurs CB2, qui prédominent au niveau du corps ; et les récepteurs CB1, qui, eux, prédominent au niveau du cerveau. Les récepteurs CB1 cérébraux sont les plus nombreux de tous les types de récepteurs connus pour exprimer l’effet des médiateurs du cerveau (récepteurs dont on connait plusieurs centaines de types différents). Ces récepteurs CB1 du THC sont présents dans à peu près toutes les structures cérébrales ; ils sont donc ubiquistes. De ce fait, leur stimulation suscite simultanément une multitude d’effets, dont on détaillera les principaux d’entre eux. Ces récepteurs sont physiologiquement dédiés à exprimer les effets de substances endogènes (i.e. fabriquées par l’organisme) réunies sous le vocable d’endocannabinoïdes. Il s’agit de substances formées à partir de constituants des membranes cellulaires et en particulier d’un acide gras, polyinsaturé, l’acide arachidonique, constituant majeur de l’huile d’arachide (acide gras, formé de 20 atomes de carbone, comportant 4 liaison insaturées / éthyléniques). Ces substances sont formées dans toutes les régions du cerveau. Plus d’une demi douzaine ont été caractérisées (anandamide =AEA ; diarachidonoylglycérol = DAG ; 2 arachidonoyl glycérol ether =  noladin ether, ; N arachidonoyldopamine = NADA ;  virodhamine….)

Le cannabis, une drogue lente, pas douce du tout
Par son THC, le cannabis est une vraie drogue. Il suscite une dépendance psychique forte. Son haut pouvoir addictif est attesté par le nombre élevé de ses consommateurs réguliers (1.600.000 recrues en France), malgré son statut illicite (contrevenir à cette interdiction peut exposer aux rigueurs de la justice). L’appétence qu’il suscite se lit au travers de la pugnacité et de la véhémence que manifestent ses consommateurs pour le rendre licite. Cela s’apparente à une épreuve expérimentale pratiquée chez l’animal (le Rat) pour apprécier le pouvoir d’accrochage / le potentiel addictif d’une drogue. L’animal doit appuyer répétitivement sur une pédale pour obtenir une pilule de la drogue ou bénéficier d’une délivrance intra veineuse de cette drogue en solution. Plus le potentiel addictif est important et plus l’animal déploie d’importants efforts (multipliant les appuis) pour obtenir la drogue.
Le cannabis est porté sur les épaules du tabac qui, le plus souvent, est le support galénique qui permet la combustion de sa résine (haschich – shit). La nicotine du tabac a l’avantage de corriger les effets sédatifs /psycholeptiques du THC.  Mais, alors qu’il est très difficile de se détacher de la consommation du seul tabac (13 millions de nos concitoyens en témoignent), s’affranchir de la double addiction – tabac + cannabis, confine à une mission impossible. Alors qu’une femme sur quatre qui devient enceinte ne peut arrêter sa consommation de tabac, ce sont trois femmes sur quatre qui fumaient tabac et cannabis avant d’être enceintes qui sont incapables d’arrêter, infligeant à leur fœtus cette double peine…
Les manifestations physiques qui émanent de l’abstinence du cannabis sont mal appréciées, car elles sont très différées (de l’ordre d’une quinzaine de jours) par rapport à l’arrêt total de sa consommation. De plus leur intensité est relativement modeste, car ces manifestations sont comme distillées / effilochées sur une longue période. Cela ne saurait faire conclure à l’absence de dépendance physique, car il ne s’agit que d’un masquage relatif lié à la très lente élimination du THC. Au lieu de la « chute en piqué », du « crash », observé à l’arrêt de consommation des drogues rapidement éliminées, telle l’héroïne, on assiste avec le THC à ce qui s’apparente à un vol plané, du fait de sa très longue persistance dans le cerveau et dans le corps. Pourtant cette dépendance physique existe et elle est forte. On peut l’objectiver en interrompant brusquement l’action du THC résiduel, par l’administration d’un antagoniste (en d’autres termes d’un agent bloquant) des récepteurs CB1, le rimonabant. Cet antagoniste des récepteurs CB1, mime l’effet d’une disparition rapide du THC, en interrompant rapidement ses effets. Son action s’apparente à une fermeture brusque des guichets auxquels s’adresse le THC pour dialoguer avec les neurones. Chez les différentes espèces animales sur lesquelles cette expérience a été pratiquée (administration semi-chronique de THC, suivie de l’administration d’une dose élevée de rimonabant), est apparu un syndrome d’abstinence marqué, dont les expressions présentent beaucoup de similitudes avec celles d’une abstinence aux opiacés / morphiniques. Martelons le, pour rompre avec la banalisation fallacieuse, toujours à l’oeuvre de cette drogue : « Le cannabis n’est pas une drogue douce, c’est une drogue lente qui induit une dépendance psychique et une dépendance physique ».
La majorité, les fumeurs de cannabis se contentent d’un usage erratique ; néanmoins 1.600.000 individus en font un « usage régulier »; consommant, selon sa définition, au moins un joint tous les trois jours. Eu égard à la longue persistance du THC dans l’organisme, une telle fréquence d’usage entretient, on l’a dit, une imprégnation permanente de leur cerveau par cette drogue. Ils sont donc « THC-dépendants », à l’instar des « alcoolo-dépendants » déjà évoqués. Six cent mille individus abusent du cannabis, consommant au moins un joint ou un pétard par jour (et parfois plus de 10). C’est surtout parmi eux que se recrutent ceux qui, à partir du barreau cannabis, vont accéder aux barreaux du dessus de l’échelle des toxicomanies : celui de la cocaïne, de l’ecstasy ; celui des amphétaminiques ; puis celui des produits utilisés comme substituts à l’héroïne (méthadone, buprénorphine) ; pour accéder enfin, au sommet de cette échelle, à l’héroïne (qui ploie désormais sous le poids de ses 250.000 occupants).
Cette escalade est évidemment contestée avec véhémence par ceux qui militent pour la légalisation des drogues du bas de l’échelle. Leur contestation fait dans le sarcasme, taxant de débilité (pas moins) ceux qui la constatent. Leur véhémence sert de cache misère à l’absence de leurs arguments. Ils font penser à ces cancres qui, lors des compositions, cachent d’un bras fléchi leur feuille toute blanche, pour qu’on ne copie pas dessus. Ne leur en déplaise, ceux / celles qui perchent sur le barreau de l’héroïne ont, sans exception, emprunté préalablement le barreau du cannabis. Quand je rappelais ce constat, il m’a été répondu : « tout comme ils ont emprunté le péage de l’autoroute du soleil » ; drôle mais drôlement creux. Leur contestation se faisait plus bredouillée quand je leur faisais remarquer que la progression du nombre des utilisateurs de cannabis s’accompagnait de l’accroissement des utilisateurs des autres drogues situées au-dessus  du cannabis dans l’échelle des toxicomanies. Cette escalade s’explique déjà, en partie, par le jeu de la tolérance. Au fil de ses usages les effets attendus du THC s’estompent. Pour pallier cette tolérance le consommateur accroît la dose et / ou la fréquence d’utilisation. Quand les effets ressentis paraissent insuffisants, le consommateur est incité à y ajouter une autre drogue. S’il abandonnait le cannabis pour une autre drogue, ce serait de l’escalade ; au lieu de cela, il ne le délaisse pas, il lui ajoute cette autre drogue plus active ; ce qui correspond à la très commune poly-toxicomanie. Un autre élément d’explication de la poly toxicomanie réside dans l’association au cannabis d’une autre drogue, afin de corriger certains de ses effets ; en particulier ses effets sédatifs. Quand la nicotine du tabac n’y suffit pas, son consommateur fait appel aux cocaïniques ou aux amphétaminiques. Ces constats sont communs, aussi faut-il une certaine cécité et surtout une vraie mauvaise foi, pour ne pas l’admettre. Leur contestation ne résiste pas non plus aux données de la neurobiologie, qui établissent l’unicité du processus toxicomaniaque, sous tendu par la libération de dopamine dans le noyau accumbens. Ainsi le cannabis est souvent ajouté à l’alcool, pour une potentialisation mutuelle de leurs effets ébriants, onirogènes, hallucinatoires. Sur la route ce cocktail est détonnant ; il multiplie par 14 le risque d’un accident mortel (Etude S.A.M., i.e. stupéfiants et accidents mortels de la route). Il est montré, de façon expérimentale, que le cannabis augmente l’appétence pour l’alcool. Ce pourrait être une des raisons pour lesquelles la religion musulmane, qui s’est développée dans des régions aux climats propices à la culture du chanvre indien, exerce un interdit très fort sur la consommation d’alcool. En sens inverse, notre pays qui macère littéralement dans l’alcool n’a aucune latitude pour accueillir en sus le cannabis.
Une étude, publiée dans une des plus prestigieuse revue scientifique internationale « Science », a montré que des souris, privées par manipulation génétique des récepteurs cérébraux par lesquels agit le THC (récepteurs CB1), perdent leur appétence pour la morphine ; elles répugnent à se l’auto administrer. Si on leur administre répétitivement de la morphine, pendant une quinzaine de jours, puis que l’on précipite l’abstinence par une administration de naloxone (un antagoniste des récepteurs sur lesquels agit la morphine – les récepteurs opioïdes de type mu) on observe d’une façon très atténuée le syndrome d’abstinence, relativement à celui constaté avec éclat, chez les souris normales («wild type», ayant, elles, leurs récepteurs CB1). Ces deux observations expliquent pourquoi la stimulation des récepteurs CB1 par le THC du cannabis prépare l’individu à percevoir de façon privilégiée les effets appétitifs de la morphine et à devenir physiquement dépendants de celle-ci.
C’est un conseil qu’il faut rappeller sans relâche, à ceux qui sont devenus dépendants du cannabis : « Surtout ne vous approchez pas des morphiniques, vous, qui êtes dépendants du cannabis, vous  seriez littéralement happés par ces drogues ! ».

Le cannabis –  « mauvaise pioche » pour l’éducation
Différents effets cérébraux du THC, tels que  l’ivresse, la sédation, la perturbation de l’attention, de la vigilance, de la mémoire de travail, de la mémoire à court terme ont, comme on le conçoit aisément, des conséquences cognitives considérables. Ils sont autant d’éléments qui perturbent d’une façon manifeste les processus éducatifs. Or, c’est à l’âge du collège, du lycée, de l’université que le cannabis s’abat sur notre jeune génération. Une étude récente montre que l’abus durable de cannabis fait perdre plusieurs points de quotient intellectuel ; cette perte n’étant pas récupérable après l’arrêt de l’abus. Tout cela peut être résumé d’une façon triviale, mais qui frappe les jeunes esprits : « Le chichon, ça rend con » ; ou de façon plus  polie : « la fumette ça rend bête » ; ou bien encore « Pétard du matin, poil dans la main ; pétard du soir, trou de mémoire » ! Ces raccourcis abruptes imposent d’expliquer, à la demande, l’effet que développe le THC, en stimulant, dès ses très faibles concentrations, des récepteurs CB1 associés aux boutons synaptiques cholinergiques de l’hippocampe, où il réduit intensément la libération d’acétylcholine et, partant, la stimulation de récepteurs muscariniques impliqués dans la mémoire à court terme ; cette mémoire sans laquelle ne peut s’édifier une mémoire à long terme, une culture.
La France, qui compte parmi les Etats de la planète qui consacrent le plus de moyens à l’éducation de ses enfants n’est pas payée en retour  par leur classement dans les concours internationaux. Elle ne se trouve ainsi qu’au 27ème rang du classement PISA. Il suffirait d’éradiquer le cannabis de la sphère éducative pour gagner mécaniquement plus d’une quinzaine de places, sans avoir encore touché aux contenus des programmes, à la formation des maîtres, aux horaires scolaires et aux méthodes éducatives.
Madame V. Pécresse, désormais présidente du conseil régional d’Ile de France, après avoir été un ministre apprécié de l’enseignement supérieur, ne s’y trompe pas quand elle s’attaque à l’intrusion du cannabis et d’autres drogues dans les collèges et lycées. Elle a exprimé des propositions visant à identifier les élèves qui devraient être désintoxiqués/soignés afin d’accroître leurs chances de bénéficier des enseignements qui leur sont dispensés. Hélas, ces contrôles salivaires viennent d’être retoqués par l’administration (quand on n’a rien fait, on s’irrite que d’autres le fasse à votre place ; le problème est trop grave pour laisser s’exprimer la susceptibilité d’individus qui, d’inutiles, se sont transformés en nuisibles). La loi stipule que l’enseignement est obligatoire, elle devrait être complétée par une mention interdisant que l’apprenant se présente dans les cours en étant sous l’influence de drogues qui perturbent sa capacité d’apprendre…

Le cannabis, en aigu, apaise des troubles, que son usage chronique aggrave
Le cannabis est perçu, par certains de ses utilisateurs, comme antidépresseur et / ou comme anxiolytique, de par son effet « planète » qui les éloigne de leurs pensées les plus sombres, de leurs ruminations douloureuses (mentisme), facilitant leur sommeil…. Malheureusement, au fil de l’usage, cet effet pseudo-antidépresseur et anxiolytique (comme d’autres effets d’ailleurs) s’estompe ; le consommateur est incité à accroître les doses et la fréquence de sa consommation afin de retrouver leur éclat initial. L’usage vire à l’abus et, après un temps variable, l’effet recherché s’est épuisé. A ce stade, les substances endogènes  physiologiquement préposées à la stimulation des récepteurs CB1 (les endocannabinoïdes, cf. supra) perdent aussi leur effet anxiolytique et leur effet antidépresseur. Alors l’anxiété et / ou la dépression qui préexistaient à la consommation de cannabis se rallument avec des intensités  plus vives que celles qui sévissaient avant l’usage du cannabis.
Evoquons aussi les «bad trips» (expériences pénibles ou malheureuses) qui peuvent survenir lors de l’expérimentation du cannabis. Ils consistent en l’apparition d’une anxiété aigue, d’un sentiment de dépersonnalisation, de l’impression de devenir fou ou encore la crainte d’une mort imminente. Leur survenue est une chance pour certains expérimentateurs,  puisqu’elle peut leur enlever à jamais l’envie d’en consommer.
La désinhibition induite par le cannabis peut inciter à des relations sexuelles non consenties, ou à des relations sans contraception, ou sans prophylaxie des maladies sexuellement transmissibles (gonococcie, syphilis, chlamydiae, hépatites B et C, SIDA..). La désinhibition peut comporter d’autres prises de risque, sur la route par exemple. Elle peut susciter des comportements auto- ou hétéro-agressifs (défenestration, suicide, agressions..).

Le cannabis peut rendre fou ou bien aggraver la folie déclarée
L’aliéniste, Jacques-Joseph Moreau (dit Moreau de Tours), ayant fait l’auto-expérimentation du cannabis (par voie orale, la « confiture verte », le « dawanesk », lors de sa fréquentation du club parisien des Haschischins, a caractérisé huit « phénomènes» induits par cette drogue :
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1er phénomène : Sentiment de bonheur, euphorie
2ième                       Excitation, dissociation des idées
3 –                           Erreur sur le temps et sur l’espace
4-                            Développement de la sensibilité de l’ouïe, vs. la musique
5-                            Idées fixes, convictions délirantes
6-                            Lésions affectives (dérèglements émotionnels)
7-                             Impulsions irrésistibles
8iè                             Illusions et hallucinations
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Il est opportun d’insister sur les troubles délirants et hallucinatoires produits par le THC. Le délire correspond à une pensée coupée de la réalité, sorte d’état de rêve éveillé ; les hallucinations correspondent à des perceptions sans objet, fallacieuses, erronées, auxquelles pourtant le sujet adhère totalement, ce qui lui fait acquérir un comportement inadapté. Ces troubles sont caractéristiques de la schizophrénie / de la psychose / de la folie (au sens commun du terme). Faut-il vraiment s’étonner qu’une drogue qui induit ces expressions consubstantielles de la folie  puisse avoir des relations étroites avec elle ?
Cela fait plus de cent cinquante ans que Jacques-Joseph Moreau de Tours, a décrit ces relations, dans un livre inspiré par l’usage erratique, quasi expérimental, qu’il faisait de cette drogue, par voie orale. Il retrouvait dans les troubles qu’il en éprouvait ceux qu’ils étudiait chez les patients aliénés qui lui étaient confiés. Il a intitulé son livre : « Du haschisch et de l’aliénation mentale » (1853). Depuis lors, en dépit des résistances, voire des dénégations (comme chaque fois que les cannabinophiles sont dérangés dans leurs habitudes), ces relations sont devenues irréfragables. Les études se sont multipliées, aux plans neurobiologique, clinique et épidémiologique. Elles font ressortir que plus l’âge de la consommation est précoce, plus la dose est élevée, et plus le risque de développer une schizophrénie est grand. Dans l’étude Néo-Zélandaise réalisée par M.-L. Arseneault, 10 % des mille gamins qui avaient débuté leur consommation de cannabis entre 12 et 15 ans (soit cent d’entre eux) étaient victimes de schizophrénie à l’âge de 18 ans. Voilà qui devrait interpeller davantage tous les adultes «responsables», la préservation de l’enfant et de l’adolescent s’inscrivant parmi les « impératifs catégoriques ».
L’adolescence est une période majeure et critique pour la maturation cérébrale. Entre 12 et 20 ans les neurones déjà en place multiplient leur arborisation pour établir le maximum de contacts (synapes) avec les neurones voisins (prolifération ou « sprouting ») et simultanément s’opère l’élagage (« pruning ») des contacts non stabilisé par une activité fonctionnelle. Dans cette partie de bras de fer qui se joue entre prolifération et élagage, les endocannabinoïdes, via les récepteurs CB1, ont un rôle très important dans l’arbitrage / l’équilibre entre ces phénomènes opposés. Leur fonction est caricaturée par le THC qui, tel l’éléphant dans le magasin de porcelaine, vient perturber cette maturation. Il résorbe des synapses fonctionnelles qui auraient dû persister et laisse persister des synapses qui auraient dû disparaitre. Cette perturbation de la maturation est à l’origine des processus délirants et hallucinatoires, caractéristiques de la schizophrénie. Soit qu’ils exacerbent une vulnérabilité latente, soit qu’ils l’instaurent de novo. Le risque de devenir schizophrène est multiplié par 6, entre 18 et 28 ans chez un adolescent ayant consommé, avant l’âge de 18 ans, plus de 50 joints (en tout). C’est ce qu’a montré l’étude Suédoise de Sven Andreason, sur une cohorte constituée des 50.000 conscrits de l’armée suédoise, de l’année 1971. Cette étude prolonge d’une certaine façon celle de M.-L. Arsenault, relatée plus haut, puisque l’étude suédoise a sorti de l’étude ceux qui étaient déjà victimes de schizophrénie à 18 ans.  Il a été constaté, par ailleurs, une très nette surreprésentation de la consommation de cannabis chez les schizophrènes. La consommation de cannabis, qui concerne environ 15% de la population des adultes jeunes, concerne près de 60% de la population des sujets schizophrènes.
La reprise des troubles délirants et hallucinatoires d’un schizophrène, en période de rémission, est souvent liée à un accroissement de sa consommation de cannabis.
La poursuite de la consommation de cannabis chez les schizophrènes induit une résistance à l’effet de leurs médicaments antipsychotiques ; ce qui a pour corollaire un allongement de leur durée moyenne de séjour hospitalier.
Les comportements auto- ou hétéro-agressifs des schizophrènes (qui défraient la chronique, au-delà peut-être de leur incidence réelle) portent souvent la signature d’une consommation de drogue (de cannabis en particulier).
Il a été estimé, à partir de l’étude de Sven Andreason, prolongée par celle de Stanley Zammit (qui a revisité l’étude d’Andreason et l’a prolongée de cinq années) que si le cannabis était épargné à nos jeunes, cela réduirait en France de 80.000 environ le nombre de schizophrènes. Quand on sait le drame que représente cette affection, pour ses victimes (quoiqu’elles n’en aient pas une bonne perception), pour leurs parents et leur fratrie (qui en sont très malheureux) et pour la société (en raison de la désociabilisation de ses victimes et du coût très élevé de leur prise en charge), on conçoit les efforts qui devraient être déployés pour s’affranchir de cette fraction évitable de schizophrènes, dont l’esprit est brulé au feu du cannabis.

Le cannabis responsable d’accidents de la route et du travail
On ne devrait pas s’étonner qu’une drogue qui diminue l’éveil et partant l’attention, en la défocalisant, qu’une drogue qui perturbe les réflexes et trouble la coordination motrice, qu’une drogue qui suscite délires et hallucinations, qui est enivrante / ébriante, qui altère la mémoire de travail et le souvenir instantané de ce qui dirige l’action, ne soit, à l’instar de l’alcool, incompatible avec la conduite des engins à deux et quatre roues, ainsi qu’avec celle des engins de chantier. Au seuil alors élevé de détection de 2 microgrammes de THC par litre de sang, l’étude SAM (stupéfiants et accidents mortels de la route), il y a une douzaine d’années,  avait déjà rendu le cannabis responsable de plus de 300 morts par an, sur les routes de France. Cette même étude montrait que l’association du cannabis à l’alcool multipliait d’un facteur 14 le risque d’accident mortel de la route. Depuis que l’on sait doser le THC au seuil de 0,2 microgrammes par litre de sang, une telle étude n’a pas été refaite. Elle aboutirait inévitablement à une incrimination beaucoup plus forte de la responsabilité du cannabis dans les accidents de la circulation et du travail. Lorsque le cannabis disparaît du sang, ce n’est pas, on l’a dit, pour s’éliminer dans les égouts de la ville, mais pour aller dans le cerveau, pour y agir, puis s’y stocker, puis étirer son action sur plusieurs jours; de là l’importance qu’il y a de savoir mesurer les faibles doses résiduelles sanguines, contemporaines de fortes concentrations cérébrales
Les prosélytes du cannabis ont contesté les relations du cannabis avec l’accidentologie, sur la route et au travail (ce fut même la position d’un délégué national à la sécurité routière). Ils ont différé la démonstration de cette relation et ont ainsi retardé l’application de lois européennes qui imposaient qu’en cas d’accident mortel soit effectué un contrôle de la présence de THC dans le sang du / des conducteur(s) à l’origine de l’accident. Contraints d’appliquer cette loi, ils n’ont requis ce contrôle, dans un premier temps, que lorsqu’il y avait mort(s) sur le lieu même de l’accident, ignorant ainsi les décès différés, dans le trajet à l’hôpital ou durant le séjour hospitalier. Il faudra la détermination de parents éplorés (madame et monsieur Poinsot) dont la petite Marylou fut la victime d’un chauffard ayant consommé du cannabis pour que la représentation nationale érige enfin en délit la conduite sous l’empire du cannabis et la condamne. Dans le bêtisier qui fleurissait alors, il me revient en mémoire une sottise proférée par un « scientifique » (J.-P. Tassin) qui affirmait que le fumeur de cannabis, conscient des modifications de son état, était plus prudent au volant que quiconque. Ce type de discours fut relayé, par un premier ministre (L. Jospin), déclarant en pleine campagne électorale pour la magistrature suprême, qu’il valait mieux avoir fumé un joint que bu de l’alcool avant de prendre le volant (comme si c’était là le choix à opérer, le dilemme à résoudre avant de prendre le volant).
L’étude «Stupéfiants et Accidents Mortels de la route » (SAM), confirmait en fait les résultats d’un programme national hospitalier de recherche clinique (PHRC) qui avaient été contestés, en dépit du fait qu’il associait les meilleurs toxicologues hospitaliers français (les docteurs J.-P. Goullé, P. Mura, P. Kintz….), mais ses résultats dérangeaient. Il fallut ces études pour que le danger de la conduite sous cannabis, auquel pourtant tout portait à croire, soit enfin reconnu. Depuis lors il n’a cessé, hélas, d’être confirmé.

La toxicité somatique du cannabis
L’adjonction au tabac de la résine du cannabis (shit ou haschisch) accroit de 200°C la température de combustion de ce tabac. Cette température plus élevée pousse plus loin la décomposition thermique de l’élément végétal ; ce qui produit : environ 7 fois plus de goudrons cancérigènes ; au moins cinq fois plus d’oxyde de carbone (CO) ; et une fumée encore plus irritante pour les voies respiratoires. Ce constat fait attendre des cancers des sphères ORL et broncho-pulmonaire, plus fréquents et plus précoces qu’avec le seul tabac.
La fumée du cannabis comporte, on l’a dit, davantage d’oxyde de carbone (CO) que celle produite par la combustion du seul tabac. Ce gaz toxique réduit la capacité de transport de l’oxygène par l’hémoglobine du sang, depuis les poumons (qui le captent) jusqu’aux tissus, en particulier les muscles (qui le consomment). L’usage du cannabis est une vraie mauvaise idée pour les sportifs. Elle est en totale contradiction avec les subterfuges dont ils usent par ailleurs pour augmenter leur taux d’hémoglobine et son pouvoir oxyphorique (autotransfusions, stages d’entrainement en altitude, respiration nocturne sous des tentes hypoxiques pour inhaler un air appauvri en oxygène et, surtout, injection d’érythropoïétine…).
Le THC, en agissant sur des récepteurs CB2, associés à des cellules impliquées dans l’immunité (certains lymphocytes et les macrophages) a un effet immunodépresseur ; il réduit la capacité de l’organisme de lutter contre les envahisseurs microbiens (virus, bactéries, champignons microscopiques…). Pourtant, il n’y a pas encore longtemps, étaient exhibés, sur des plateaux de télévision, des sidéens (immunodéprimés donc) pour leur faire vanter tous les bienfaits qu’ils éprouvaient du cannabis. Souffler sur le feu ou l’asperger d’eau, il faut choisir ! Agir contre l’immunodépression par les trithérapies ou administrer une drogue immunodépressive, il faut choisir. Le fumeur de cannabis s’expose à un risque accru d’angines, de broncho-pneumonies et même de cancers, car le système immunitaire (déprimé par le THC), outre qu’il s’applique à débarrasser notre organisme des intrus microbiens, est préposé également à la destruction des cellules cancéreuses.
Le THC a une toxicité cardiovasculaire manifeste. Il est la troisième cause de déclenchement d’infarctus du myocarde (juste derrière la cocaïne et les repas « gueuletonesques »). Il est à l’origine d’artérites des membres inférieurs chez des sujets jeunes. Il peut aussi être responsable d’accidents vasculaires cérébraux, et ce également chez des sujets jeunes. On lui impute la responsabilité de quelques pancréatites aigues…

La toxicité génétique du cannabis
Les parents ont fumé le cannabis vert et leurs enfants en ont eu les neurones altérés (en paraphrasant Jérémie dans l’ancien testament)
Un nouveau chapitre de la toxicité du cannabis / THC commence à s’écrire ; il concerne ses effets épigénétiques ; c’est à dire sa capacité de modifier l’expression de certains gènes du génome des individus soumis à son intoxication. Il a été montré que l’intoxication par le cannabis d’une femme enceinte avait des conséquences  sur l’expression de certains gènes du fœtus et ultérieurement de l’enfant ; expliquant en particulier son appétence pour les drogues à l’adolescence. Des  expérimentations sur l’animal complètent ces observations. Des rats mâles et femelles ont été traités par du THC, cette  intoxication  a été interrompue un certain temps avant qu’on leur laisse la possibilité de s’accoupler. Il a été constaté que les rats issus de leur accouplement présentent des anomalies génétiques ; en particulier une modification de l’expression des récepteurs de la dopamine du type D2, et des modifications de leur système glutamatergique dans le noyau accumbens, impliqués dans l’appétence pour les drogues. En d’autres termes, le sujet qui s’adonne au cannabis, n’est pas le seul à en payer le prix, il transmet ses dettes à sa descendance. Ces observations sont potentiellement si graves, qu’elles pressent ceux qui veulent la légalisation du cannabis d’aller vite, pour créer l’irréversibilité avant que l’on ait une complète vision  de la toxicité de cette drogue, dont la connaissance des plus récentes données imposer au bon sens de redoubler sa prohibition

Le THC, en raison de sa lipophilie, se concentre intensément dans les testicules, où Il diminue la sécrétion testiculaire de l’hormone mâle (la testostérone) par ses cellules productrices (cellules de Leydig). Ce faisant, il réduit la libido ; il atténue les caractères sexuels masculins ; il diminue le nombre de spermatozoïdes dans le liquide séminal ainsi que leur capacité de féconder l’ovule. Il est désormais incriminé dans le développement d’une variété particulièrement agressive de cancer du testicule (le germinome non séminome).
Le THC a des effets néfastes sur la gestation et sur le bébé qui en naitra. Les femmes qui ne fument que du tabac sont, pour 1/3 d’entre elles, incapables d’arrêter de fumer pendant leurs grossesses. Avec l’ajout du cannabis, le sevrage devient virtuellement impossible, puisque près de quatre femmes sur cinq ne peuvent s’affranchir de cette double intoxication. Il peut s’ensuivre : une prématurité ; une hypotrophie fœtale (plus importante que ne le voudrait la seule prématurité) ; un retard du développement psychomoteur de l’enfant. Quelques études pointent un accroissement du risque de mort subite inexpliquée du nourrisson ; de même qu’une survenue plus fréquente du syndrome d’hyperactivité avec déficit de l’attention (HADA), ainsi qu’une vulnérabilité accrue au développement de toxicomanies à l’adolescence.
Sachant tout cela on est légitimement exaspérés par les efforts que certains déploient pour obtenir la dépénalisation et même la légalisation du cannabis. De telles dispositions ne manqueraient pas de faire exploser la diffusion de cette drogue, à l’instar de celles de l’alcool et du tabac. Parmi leurs subterfuges, il en est un, récurrent, qui consiste à déguiser le cannabis en médicament.

Le subterfuge du cannabis médicament
Sous des pressions idéologiques, dans une démarche apparemment concertée avec d’autres menées visant à la dépénalisation du cannabis (préalable à sa légalisation), mû par une évidente démagogie, le ministère de la Santé (madame Marisol Touraine) vient, après le désastreux signal de l’autorisation des « salles de shoots » pour les toxicomanes, de prendre un décret autorisant le cannabis à des fins thérapeutiques. Les lobbies prônant la légalisation du cannabis sont à la manœuvre, en France comme dans de nombreux pays ; ils ont obtenu gain de cause dans quelques pays ; soit par l’autorisation du recours au cannabis à des fins thérapeutiques, soit en obtenant la dépénalisation de l’usage ludique du cannabis, soit même la légalisation de cette drogue (Uruguay, et récemment quelques états des U.S.A. et le Canada). Ce sont là trois stades successifs d’une même démarche. En France, quelques addictologues avancent à visage découvert ; ils se font tonitruants dans chacune de ces strates en vue de sa légalisation. C’est le cas de l’ANPAA, acronyme d’« Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie » (cherchez l’erreur ou la tromperie de l’intitulé).
Le décret précité du ministère de la Santé s’inscrivait au cœur d’une campagne apparemment concertée des tenants de la légalisation de cette drogue : déclaration de la ministre du logement (C. Duflot) ; déclaration du ministre de l’éducation nationale (V. Peillon), dépôts en préfecture des statuts d’association loi 1901 de « cannabis social clubs » pour la culture à domicile du cannabis ; avec les inévitables relais médiatiques qui ne tendent leurs micros qu’aux prosélytes de cette drogue. Ce décret a été précipité. Il a même pris de cours une commission d’étude de l’assemblée nationale, qui allait se réunir à l’instigation d’un ancien ministre de l’intérieur (D. Vaillant, prolégalisateur). Il n’a tenu aucun compte des opinions très négatives exprimées tant par l’académie nationale de Médecine que par l’académie nationale de Pharmacie (lesquelles réunissent en leur sein les meilleurs experts nationaux sur ce sujet : cliniciens, pharmacologues et toxicologues. L’urgence semblait telle que ce décret prenait effet dès le lendemain de sa publication au J.O.  Sa rédaction a été bâclée. Ainsi, il fait mention « du cannabis et de ses dérivés », comme si une plante avait des dérivés ; il voulait sans doute parler de ses constituants (on était habitués à ce que les textes ministériels soient plus sérieusement rédigés). Enfin, tel qu’il a été rédigé, ce décret valide la presque centaine des dérivés cannabinoïdes, au côté de substances de toutes autres structures chimiques, que cette plante recèle. On est confondu par cette bénédiction globale, qui méritera de figurer dans les annales de ce ministère…
La santé de nos concitoyens vaut mieux que ces manœuvres, pétries d’idéologie, que leurs auteurs ne prennent même plus la peine de dissimuler. Autoriser comme médicament une drogue dont on connaît, avant sa commercialisation, les multiples et parfois très graves méfaits (par exemple le risque de décompensation ou d’aggravation d’une psychose ; ou l’effet désinhibiteur avec auto- ou hétéro-agressivité…) est proprement surréaliste. Cette aberration intervient dans une période où l’on élimine de la pharmacopée, des médicaments qui y figuraient depuis des dizaines d’années, jugeant, avec le recul du temps, que leurs rapports bénéfices / risques sont désormais insuffisants. Logique, cohérence, sérieux, rigueur, prudence, science, recours aux experts et aux données épidémiologiques semblent avoir déserté (en tous cas sur ce sujet) la santé publique.
Très peu de temps après la parution de ce décret, un premier « médicament » qui associe, dans un spray, du THC à un autre cannabinoïde (le cannabidiol), le Sativex®, a obtenu, de l’agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), l’autorisation de mise sur le marché. Pour accorder cette autorisation, l’agence a eu recours à une commission aux membres nouvellement nommés (dont beaucoup d’entre eux ont un parcours scientifique modeste en matière de pharmacologie / thérapeutique) ; elle ne compte plus beaucoup d’enseignants-chercheurs éminents. Cette commission s’est, par exemple, privée des représentants compétents que lui désignaient antérieurement l’académie de Médecine, ainsi que l’académie de Pharmacie. Cette commission a fonctionné avec une célérité inhabituelle, pour accorder cette autorisation de mise sur le marché. Ce « médicament » revendique pour indication : les spasmes douloureux survenant chez des patients victimes de sclérose en plaques. Cela m’a conduit à tenter d’éclairer les membres de cette commission, en adressant à chacun, à l’adresse de l’ANSM, un long document visant à relativiser l’enthousiasme que certains s’appliquaient à faire naître. Mon document développait des arguments toxicologiques et pharmaco-thérapeutiques, c’est-à-dire les principaux, sinon les seuls, qui auraient dû bâtir la décision ministérielle. Il fallut un mois après la réception par l’A.N.S.M. du paquet comportant ces lettres, pour que cette agence me les retourne, en m’indiquant que je devais les envoyer moi-même à l’adresse personnelle de chaque destinataire ; ce que je fis aussitôt mais, au cours de ce mois d’attente de mon courrier dans les locaux de l’A.N.S.M. cette commission avait délibéré…
Dans une logique strictement qualitative, le principe actif majeur du cannabis, le tétrahydrocannabinol (THC) est susceptible d’agir sur trois composantes pathologiques de la S.E.P. :
– par son effet immunodépresseur, il pourrait diminuer l’agressivité du processus auto-immun, qui fait malencontreusement fabriquer à l’organisme des anticorps dirigés contre la gaine de myéline des nerfs ; anticorps qui déterminent leur démyélinisation par plaques (sclérose en plaques) ; ce qui  trouble la conduction nerveuse ;
– par son effet myorelaxant,  le THC peut réduire, à un certain degré, les spasmes et autres contractures que l’affection peut susciter ;
– par son effet analgésique, le THC peut diminuer l’intensité des douleurs suscitées par les  contractures précitées.
Une telle présentation pourrait inciter à conclure à une heureuse conjonction d’effets qui justifierait le recours au THC dans la S.E.P., d’autant que certains patients qui en ont « bénéficié » ne tarissent pas d’éloges à cet égard.
Notons tout d’abord qu’il s’agit d’une drogue, d’un agent toxicomanogène, et qu’ainsi celui / celle qui l’utilise pendant un certain temps en devient dépendant ; au point de ne plus supporter d’en être privé. Cette dépendance peut expliquer l’apologie enthousiaste que certains font du produit.
Soulignons ensuite que ces trois effets revendiqués, s’ils sont qualitativement vérifiables, sont néanmoins quantitativement modestes. Leur intensité est en tous cas inférieure, voire très inférieure, à celle des médicaments actuellement disponibles pour agir sur ces composantes de la maladie.
Les effets immunodépresseurs ou immunomodulateurs des imurel, mitoxantrone, chlorambucil, des doses élevées de glucocorticoïdes, ou des interférons, l’emportent de loin sur ceux du THC.
De même l’effet myorelaxant, l’effet antispastique, du THC est faible, comparé à celui du tétrazépam (Myolastan® (qui vient pourtant d’être retiré du marché en raison de rares mais parfois graves accidents cutanés et d’une pharmacodépendance) ou à celui du baclofène (Liorésal®) ou encore du dantrolène (Dantrium®).
Quant à l’effet antalgique du THC il se situe entre celui du paracétamol et celui de l’aspirine, bien en deçà de ceux de la codéine ou du tramadol.
Ce qui qualifie un médicament, relativement à un toxique (poison), c’est son rapport bénéfices / risques. Quels bénéfices peut-on espérer que le patient en retirera pour traiter sa pathologie et quels risques il encourra en l’utilisant. Avec le THC, comme on vient de le dire, les bénéfices seront modestes, alors que les risques sont nombreux et pour plusieurs d’entre eux graves, voire très graves.
Les méfaits du THC sont multiples, à la mesure du grand nombre et du caractère diffus des deux cibles principales de son action, les récepteurs CB1 (au niveau cérébral) et CB2 (au niveau du corps). Ces récepteurs, auquel le THC se fixe réversiblement pour agir, sont portés par la membrane des cellules. Ils constituent des guichets, auxquels le THC s’adresse pour communiquer des ordres aux cellules qui les portent. Dans le cerveau, de tous les types connus de récepteurs (au nombre de plus de trois cents) qui sont à l’écoute de plus d’une centaine de types de neuromédiateurs impliqués dans les dialogues entre les cellules, les récepteurs CB1 sont les plus nombreux. Ils sont présents dans presque toutes les structures cérébrales (ubiquistes), quoique certaines structures, telles que le cervelet, le striatum, l’hippocampe, en comportent beaucoup plus que d’autres. C’est la raison pour laquelle le THC suscite simultanément un très grand nombre d’effets. Ce seul constat suffit à l’invalider comme médicament. C’en est fini, depuis longtemps, des thériaques et des panacées, tel le « sirop Typhon » de la chanson. A un médicament doit correspondre un effet majeur / principal, à la rigueur on tolère quelques effets latéraux, mais point trop n’en faut. Dans la multiplicité d’effets suscités par le THC, nous mettrons en exergue quelques-uns d’entre eux :
-Le THC induit une ivresse, une ébriété, incompatible avec la conduite des engins à moteur ou avec l’exercice d’un certain nombre d’activités professionnelles.
-Il induit des troubles de l’équilibre et de la coordination motrice ; ce qui est particulièrement malencontreux chez les victimes de SEP, que leur pathologie expose déjà à ces troubles.
-Il affecte la mémoire à court terme / la mémoire de travail / la mémoire opérationnelle / working memory ; ce qui perturbe l’action, sa programmation, sa réalisation ; ce qui empêche également de forger une mémoire à long terme. Le patient victime de SEP, étant trahi dans ses capacités physiques, transfert volontiers son énergie sur son activité psychique ; il n’est dès lors pas opportun de la perturber et de l’amputer
-Le THC peut susciter des délires (état de rêve éveillé, pensée coupée du réel) ainsi que des hallucinations (perceptions erronées, fallacieuses).
-Il ouvre l’appétit (orexigène) or, un accroissement de la consommation de nutriments, coïncidant avec une diminution de la dépense énergétique (qui résulte des effets sédatifs du THC mais aussi, chez un patient présentant un handicap moteur, d’une limitation de l’exercice), aura pour conséquence une prise de poids, parfois importante. Outre qu’elle pourra altérer l’esthétique du patient, elle rendra sa mobilisation plus difficile, pour lui comme pour ceux qui l’assistent.
Dans cette S.E.P., où le patient a spécialement besoin d’un psychisme équilibré pour affronter le handicap qui l’afflige, l’effet stupéfiant, onirogène, l’effet « planète » du cannabis, l’amènent dans un état d’ivresse, d’apragmatisme, avec des rires bêtes, immotivés, des troubles de l’élocution, avec la recherche du mot, le passage du coq à l’âne, avec une distorsion de la personnalité, une perte de l’estime de soi, un renoncement, une négligence, un retrait social …..
Le THC crée une aboulie, un syndrome amotivationnel, là où la SEP requiert de mobiliser une énergie redoublée, pour faire face à la rigueur du handicap.
Une dysfonction cognitive touche 40 à 60 % des sujets atteints de sclérose en plaques (SEP). Il a été rapporté que les malades qui fument du cannabis ont plus de difficultés à cet égard que les non-fumeurs. Aucune exploration de neuro-imagerie n’existait jusqu’ici pour valider cette constatation ; une étude récente remédie à cette carence. Elle a examiné les signes de dysfonction cognitive en neuro-imagerie fonctionnelle et structurelle, associés à la consommation de cannabis chez les malades atteints de SEP. Dans cette étude le groupe « cannabis » s’est révélé moins performant au test de traitement de l’information et au test de mémoire visuelle que le groupe contrôle. Ainsi donc, les malades atteints de SEP et qui sont fumeurs de cannabis ont un déficit cognitifs plus important que les patients non-fumeurs de cannabis, ce dernier compromettant les stratégies compensatoires cérébrales déjà affectées par la SEP. Les auteurs concluent que leurs résultats doivent inciter à la prudence pour l’utilisation et la prescription de cannabis dans la SEP.
-Le THC, en diminuant la sécrétion de l’hormone mâle, la testostérone, diminue la libido, ce qui peut aggraver les troubles de la libido fréquents chez les patients atteints de SEP.
-Des données récentes (qui concernent, il est vrai, le cannabis fumé et non le seul THC) montrent sa toxicité cardio-vasculaire, avec des artérites, le déclenchement d’infarctus du myocarde, la survenue d’accidents vasculaires cérébraux…N’ajoutons pas ces accidents à cette affection.
Comme s’il était mal à l’aise pour commercialiser le T.H.C. en tant que médicament, le laboratoire pharmaceutique précité (Almirall) l’a associé au cannabidiol. Il est prêté en l’occurrence à cet autre constituant du chanvre indien, dont le mécanisme d’action est inconnu, la quasi miraculeuse capacité de potentialiser les effets recherchés du THC et de relativiser ses effets les plus délétères (miracle de la phytothérapie). Le rapport des concentrations  THC / cannabidiol relève de la subtilité du cuisinier. En l’état, ce Sativex®, qui s’administre en spray nasal, m’apparaît, en tant que pharmacologue et neurobiologiste, comme un « bricolage », loin des démarches rigoureuses qu’on applique désormais au développement de vrais et nouveaux médicaments.
La pharmacocinétique est la composante de la pharmacologie qui étudie le devenir dans l’organisme des molécules à visée thérapeutique. La pharmacocinétique du THC est singulière, en raison de son exceptionnelle solubilité dans les lipides (graisses) de l’organisme. De ce fait le THC s’attarde des semaines dans l’organisme. Parmi tous les médicaments utilisés actuellement, seule l’amiodarone (un anti-angoreux, anti-arythmique) connaît un tel stockage et une telle rémanence d’effet ; ce qui n’est pas du tout considéré comme un avantage, car cette caractéristique complique les choix posologiques. Elle peut, au long cours, faire l’objet d’interactions avec d’autres médicaments. Les interactions du THC avec d’autres médicaments sont nombreuses et parfois importantes. Il potentialise les effets des divers agents sédatifs / psycholeptiques : les benzodiazépines, si fréquemment utilisées ; les antihistaminiques ayant une action centrale (sédatifs) ; le méprobamate ;  les reliquats matinaux d’hypnotiques ; divers médicaments psychotropes, sans oublier son association très malencontreuse avec l’alcool. Il interagit encore avec un système de résorption et d’excrétion cellulaire de différents médicaments (la glycoprotéine P), pouvant modifier leur action.
On aurait pu / dû commencer l’énumération de nos objections par-là, mais on a  gardé le pire pour la fin. Le THC est une drogue, un agent toxicomanogène, donc une substance génératrice de pharmacodépendance, d’addiction. Son utilisation répétitive aboutit non seulement à l’adopter mais aussi à instaurer le besoin tyrannique de le consommer, pour échapper aux troubles associés à sa privation. Son pouvoir d’accrochage est intense. Il suffit pour s’en convaincre, de constater que malgré son caractère illicite, il recrute déjà dans notre pays 1.600.000 usagers réguliers, dont l’usage régulier traduit leur incapacité de s’en abstraire.
Dans les premières semaines de l’usage du cannabis un sujet anxieux et / ou dépressif, comme peut l’être un patient victime de la SEP ressent des effets anxiolytiques et / ou de type antidépresseur qui contribuent au développement d’une appétence pour cette drogue. Ces effets s’amenuisent au cours du temps, l’anxiété réapparait alors, plus intense qu’elle était primitivement ; l’humeur peut devenir franchement dépressive, au point d’inciter à des conduites suicidaires. Ceci, dans le contexte de la SEP, est particulièrement malencontreux.
On voit ainsi que dans la principale pathologie où le cannabis / THC a des prétentions thérapeutiques, les bénéfices escomptés sont d’une grande modestie, alors que les risques encourus, délibérément occultés, peuvent être considérables.
Dans une campagne médiatique destinée à épauler l’apparition du cannabis médicament, un addictologue (A.B.), s’en faisant le publicitaire / l’homme sandwich, estimait qu’il « fallait laisser ses chances au cannabis ». C’est là une curieuse vision de la thérapeutique où le médicament passe avant le patient. Désolé, cher Amine mais, pour le pharmacologue et pour le thérapeute, c’est au patient qu’il faut avant tout donner ses chances !
Les lobbies qui prônent la légalisation du cannabis sont à la manœuvre dans de nombreux pays. Ils jouent de la stratégie du cheval de Troyes. Ils travestissent le cannabis en médicament pour le faire entrer, la tête haute, dans la cité, sous les applaudissements reconnaissants d’une foule en liesse. On voit déjà s’exprimer la requête pressante d’un élargissement de l’indication jugée trop restrictive – « spasmes douloureux de la SEP », dans l’attente impatiente que cela devienne bon pour tout et bon pour tous. Ce même cheminement avait été à l’origine du succès du vin Mariani et de sa cocaïne. J’ai reçu un jour, en « consultation cannabique », un adolescent d’une quinzaine d’années qui, très tôt au cours de notre échange, me demanda « c’est vrai docteur que le cannabis c’est bon pour le glaucome» ? Je lui répondis « qu’il n’en avait rien à cirer » ; et que si sa mamie me posait la question j’y répondrais ; j’ajoutais que ce ne fut qu’en troisième année de médecine que j’ai entendu parler pour la première fois du glaucome…». Voilà comment opère la manipulation de l’opinion (« la manipe ») : présenter un produit comme bon pour tout, pour que bientôt il devienne bon pour tous !
Notons enfin que l’autorisation de mise sur le marché de ce médicament, menée sur le rythme d’une urgence absolue, n’est pas suivie, près de deux ans plus tard, de sa commercialisation en raison d’un désaccord sur le prix (qui s’annonce élevé, de l’ordre de 600 €) entre le laboratoire espagnol (Almirall) et le ministère, et sur le taux de remboursement qui ne serait que de 60% (quand on voulait nous faire croire que ce médicament était  majeur et irremplaçable).
Ayant consacré toute la partie recherche de ma carrière à la pharmacologie et à la neurobiologie, je ne peux clore ce chapitre sans émettre l’hypothèse que parmi les plus de cent dérivés cannabinoïdes présents dans le cannabis, certains puissent un jour révéler d’intéressantes propriétés pharmaco-thérapeutiques, que des recherches ultérieures pourraient peut- être détecter. Mon opposition s’exerce, en l’état présent, vis à vis du THC, le seul qui ait été bien étudié, dont on connaît ainsi les principaux mécanismes d’action, les principaux effets et méfaits.

Un ministre de l’éducation nationale voulait assouplir l’interdiction du cannabis
Dans le domaine du cannabis, où il ne faut s’étonner de rien, nous avons été néanmoins étonnés par la déclaration d’un éphémère ministre de l’éducation nationale (pas moins), qui demandait une plus grande ouverture d’esprit vis-à-vis du cannabis. Notre saisissement fut aussi grand que si le pape (alors Benoit XVI) s’était interrogé, urbi et orbi, sur les bienfaits de l’athéisme. Cette déclaration ministérielle était tellement à contre-emploi, stupéfiante à tous les sens du terme, que j’ai adressé à ce ministre une lettre de protestation. N’en ayant reçu aucune réponse, elle est devenue, de facto, une « lettre ouverte », afin de prendre l’opinion à témoin.
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Monsieur le Ministre de l’Education Nationale
Monsieur V. Peillon
Monsieur le Ministre
Engagé depuis près de 15 ans dans d’éreintantes actions de prévention contre l’usage du cannabis (et d’autres drogues) auprès de nos adolescents, de leurs parents, de leurs éducateurs, des personnels de santé (conférences, articles, livres, émissions radio et T.V., animation du CNPERT), je suis atterré par vos déclarations entrouvrant la porte à la dépénalisation / légalisation du cannabis. J’entends déjà dans les diners familiaux des « tu vois papa, c’est rien le cannabis, notre ministre vient de le dire, et plein d’autres personnes disent comme lui »….
Dans notre pays, qui consacre tant de moyens pour l’enseignement (plus que l’éducation) de ses jeunes, laisser filer la consommation du cannabis en se privant du caractère dissuasif de l’interdit serait une erreur historiquement grave. Cette interdiction doit, bien sûr, spécialement auprès de la génération « why » (Y), être justifiée, explicitée ; ce que les programmes scolaires omettent de faire ou font de façon très insuffisante. La bastille la plus hermétique que j’ai rencontrée pour expliciter les dangers de cette drogue fut celle des I.U.F.M. C’est une des explications des chiffres record de la consommation de cette drogue, faisant de nos jeunes, parmi les 27 états membres de l’Union Européenne, ses plus gros consommateurs. Cela n’est peut-être pas sans relation avec le dévissage de notre classement européen en matière de performance éducative. La Suède qui, de la maternelle à l’université, dispense près de 40 h d’enseignements sur les toxicomanies peut s’enorgueillir d’avoir une proportion de toxicomanes 10 fois moindre que celle de la moyenne  européenne.
Nombre d’enseignants, confrontés au cannabis, vous diront que sous l’empire de cette drogue leurs élèves sont incapables de tirer profit de l’enseignement qu’ils leur prodiguent. Comme il m’arrive de l’exprimer trivialement : « Pétard du matin, poil dans la main ; pétard du soir, trou de mémoire ». Beaucoup plus doctement, une très récente publication des Proceedings of the national academy of science – New York (P.N.A.S.) a relaté une perte de près de 8 points de quotient intellectuel (Q.I.) chez ses usagers.
Le cannabis est la drogue de la sédation, de la défocalisation de l’attention, du renoncement, de la résignation, du syndrome amotivationnel, de l’échec, du décrochage scolaire, de la marginalisation. Il est la porte d’entrée dans d’autres toxicomanies ; il induit délire (rêve éveillé), hallucinations, perturbations mnésiques, anxiété, dépression, quand il ne provoque pas d’accès psychotiques ou, pire, ne décompense une vulnérabilité à la schizophrénie (dont 10% d’entre nous pourraient être porteurs).
Dans la compétition mondiale à laquelle nous sommes affrontés, le cannabis est le psychotrope de nature à nous la faire perdre. « Il n’est de richesse que d’Hommes », en bonne santé physique (or le cannabis est toxique pour de nombreux organes) et psychique (j’ai évoqué plusieurs de ses méfaits). Il ne saurait être un outil de la « refondation scolaire » annoncée. Son association avec l’alcool, déjà si présent chez nos jeunes, est extraordinairement détériorante, en particulier sur la route. Associé au tabac il rend encore plus difficile le fait de s’en affranchir. Ce tabac, présent si précocement chez nos jeunes, constitue la première cause de morts évitables ; or le cannabis y ajoute son importante toxicité intrinsèque, générant davantage d’oxyde de carbone et produisant 7 fois plus de goudrons cancérigènes…
Je me tiens, Monsieur le Ministre, à votre disposition pour détailler auprès de vous et de vos conseillers ces points majeurs de santé publique, dans l’espoir de vous faire regretter cette déclaration, propre à annihiler les maigres résultats de nos efforts de prévention ; cette déclaration que nous sommes un certain nombre à trouver  totalement déplacée.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre de l’Education Nationale, mes plus respectueux sentiments.
Docteur Jean Costentin
Professeur émérite de l’Université de Rouen
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Comment le cannabis a infiltré notre société et contaminé sa jeunesse?
Le florilège des manipulations pratiquées aux fins d’obtenir la légalisation du cannabis est riche. Il constitue un matériel exceptionnel, une véritable anthologie, pour qui voudrait illustrer les moyens qui peuvent être déployés pour tromper l’opinion.
Les prosélytes du cannabis embouchent régulièrement leurs trompettes de Jéricho pour obtenir sa dépénalisation. Ils savent que le premier pas de cette dépénalisation étant effectué, il sera bientôt suivi de celui de sa légalisation ; c’est le premier pas qui coûte. Ils sont convaincus qu’à la septième fois les murailles, érigées contre la diffusion de cette drogue, tomberont. Ces pèlerins du haschisch et de la marijuana appliquent le principe de l’érosion.
La répétition régulière des mêmes sottises finit par dompter l’effroi, par effacer l’effet de surprise, par éreinter les oppositions et par installer ces folles idées dans le champ des possibles. Le débat périodiquement rouvert fait naître des arguments qui l’alimentent. De nouvelles convictions se forgent au feu de la contradiction et ainsi se recrutent de nouveaux adeptes et des « idiots utiles ». Ainsi se creuse le lit d’un torrent dont le courant finira par tout emporter sur son passage.
Les arguties et roueries de ces manœuvriers se suivent, essayant de ne pas trop se ressembler, mais avec une invariable finalité : La légalisation de cette / de leur drogue. Ils s’énervent d’être empêchés de la consommer, de devoir se cacher comme des bizuts pour l’acquérir et d’encourir s’ils se font prendre, des sanctions judiciaires.
Il y a aussi ceux qui s’irritent de devoir aller chercher au commissariat de police leur progéniture prise en flagrant délit de consommation voire, pire, de deal.
Il y a les dealers condamnés qui, comme leurs parents, aimeraient voir blanchi leur casier judiciaire.
Il y a ceux qui pour se disculper de n’avoir su / pu / voulu empêcher leurs enfants d’y plonger, aimeraient voir disparaitre le panneau « baignade interdite ».
Il y a, comme toujours en matière de toxicomanies, des appétits à l’affut prêt à le produire, à le commercialiser, bref à encaisser la mise…
Il y a les démagogues, faisant dans le jeunisme, à la recherche de succès d’estime.
Il y a des desperados qui, ayant le sentiment d’avoir tout loupé pour eux-mêmes, aimeraient se sentir moins seuls et s’appliquent à être accompagnés dans leur chute par de nombreux compagnons d’infortune.
L’audace amène certains à requérir d’emblée la légalisation du cannabis, sans même passer, dans leur vive impatience, par la case dépénalisation. Cette audace gagne des addictologues, qui demandent ouvertement la légalisation, non seulement du cannabis, mais même de toutes les drogues. Peut-être espèrent-ils qu’en demandant beaucoup, ils obtiendront vite un peu. Ils sont tellement défaillants dans leur exercice, tellement incapables d’extraire les toxicomanes de la marmite des toxicomanies où ils sont tombés, que l’on s’interroge sur ce qui les pousse à y précipiter un plus grand nombre de victimes. Serait-ce pour hisser leur spécialité au premier rang des spécialités médicales ?
Les périodes électorales (fréquentes dans notre pays) sont propices à ces grandes manœuvres, où s’entrechoquent démagogie, stratégie, posture et imposture. Il y a des politiciens prêts à monnayer, au prix de la légalisation, les voix d’un jeune électorat. Lors de la campagne des élections présidentielles de 2002, le premier ministre en exercice (L. Jospin), sentant que les estimations de vote n’étaient plus en sa faveur, se mit à racoler des cannabinophiles, en déclarant que le cannabis était moins dangereux que l’alcool au volant. Comme l’exprimait Golda Meir (Israël) et peut-être aussi l’écrivain américain James Freeman Clarke : « Les politiciens ne pensent qu’à la prochaine élection, quand les hommes d’Etat pensent, eux, à la prochaine génération » ; ce sujet  du cannabis suffit à les distinguer ;
Si le cannabis est une très vieille drogue, son intrusion dans la jeunesse française n’a débuté que depuis une cinquantaine d’année. Les journées folles de mai 1968 en constituent, avec leur fameuse / fumeuse « interdiction d’interdire », ses « starting blocks ». Les meneurs qui « pour tromper leur ennui » avaient déclenché cette révolution sans programme, quand les barricades furent débarrassées et que les incendies d’automobiles furent éteints, se sont empressés d’accéder au statut social des bourgeois qu’ils conchiaient. Ils ont donné naissance à cette nouvelle bourgeoisie, des «  bourgeois bohèmes » ou « bobos ». Ce terme « bobos » rappelle opportunément ceux qu’ils ont causés depuis lors à notre société  et qu’ils continuent de lui infliger, parce qu’ils ont fait des émules, et parce que certains d’entre eux, résistants et tenaces, ne s’appliquent pas la retraite à 60 ans qu’ils ont imposé à autrui. Comme l’avait pressenti M. Jouhandeau, qui leur criait en Mai 1968 « rentrez chez vous dans dix ans vous serez tous notaires », ces révolutionnaires d’opérettes sont devenus patrons de presse, voyagistes, ministres de gouvernements de gauche (mais certains, en cas d’alternance, n’ayant pas passé l’arme à gauche, sont alors passés temporairement à droite), députés nationaux ou européens, industriels, faisant parfois dans la couture mais pas dans la dentelle. Ils ont su se faire apprécier par des libéralités sociales prodiguées à crédit. Ces démagogues ont distribué généreusement l’argent emprunté aux générations suivantes. Ils ont enfoncé le pays dans une dette abyssale, qui plombe ces générations futures. Avec l’intoxication par les drogues à laquelle ils les exposent maintenant, ils les mettent dans l’incapacité d’honorer les dettes contractées. Ces générations futures, leurs / nos enfants, ne sont manifestement pas leur préoccupation. Ils continuent d’exceller dans la déconstruction, sans prévoir d’abris de fortune pour les sinistrés sociétaux qu’ils multiplient et qu’ils laissent déboussolés par l’absence de projets de remplacement. La diffusion, la généralisation des drogues, cannabis en tête de gondole, constitue la première étape de l’euthanasie sociétale qui les mobilise. Incapables de bâtir, ils s’enivrent à détruire, s’inspirant des imprécations de Louis Aragon : « Nous ruinerons cette civilisation qui vous est chère… Monde occidental tu es condamné à mort. Nous sommes les défaitistes de l’Europe… Voyez comme cette terre est sèche et bonne pour tous les incendies. Que les trafiquants de drogues se jettent sur nos pays terrifiés. Que l’Amérique, au loin, croule de ses buildings blancs… » (La révolution surréaliste, n° 4, 1925) ».
Dans leur appétit destructeur le bêtisier de leurs déclarations sur le cannabis est infini. Je n’en ai retenu qu’une infime fraction, restituant ici celles qui m’ont « donné le plus de boutons ».
L’équation : « cannabis = jeunesse = liberté » constitue une malversation caractérisée. Il suffit d’en faire disparaître le terme jeunesse, intercalé entre les deux autres termes de l’équation, pour mettre en relation directe le mot cannabis, objet d’addiction, de servitude, d’assuétude, de dépendance, avec le mot liberté – l’oxymore parfait ! Tautologie que n’envierait pas la logique de toto…
Souvenons-nous de « l’appel du 18 Joint » (1976), publié dans le journal « Libération » ; illustration du rire bête cannabique, tournant en dérision un élément glorieux d’une période (1940) où beaucoup le furent moins. Parmi les signataires de ce brulot, des artistes, deux philosophes, A. Glucksmann et E. Morin, et quelques irresponsables que l’on a retrouvé plus tard dans des postes de responsabilité, car notre démocratie fait une large place à l’oubli ; cet oubli dont Max Gallo dit qu’il est  « la ruse du diable ».
Ils ont prétendu que le cannabis n’était pas une drogue. Ils contestaient ainsi l’existence d’une dépendance psychique, caractéristique commune à toutes les drogues. Ils ne cherchaient pas à expliquer pourquoi, en dépit de son caractère illicite et partant dissuasif (eu égard aux peines encourues par ses contrevenants), on dénombrait en France près de 1.600.000 usagers réguliers ; ce chiffre étant en soi un cuisant démenti à leur argument. La véhémence que déploient ses consommateurs pour obtenir sa légalisation en est un autre ; attestant du haut degré de leur appétence et de leur accrochage.
La neurobiologie a montré que le THC intensifie la transmission dopaminergique dans le noyau accumbens, à l’instar de toutes les autres drogues ; cet effet constitue la signature neurobiologique de leur action. Devant se rendre à cette évidence, ces « libérationnistes » en ont fait aussitôt une « drogue douce ». Cette sottise fut, il y a encore une dizaine d’années, colportée par certains dans nos facultés. Comble de l’enfumage cette expression «drogue douce» a été reprise en 2013 dans des documents réputés officiels. Si l’intelligence est éphémère, la sottise a la vie dure…
Pour justifier la qualification de « drogue douce » il fallait contester l’existence d’une dépendance physique, caractéristique des « drogues dures ». Les manifestations somatiques d’abstinence qui surviennent à l’arrêt de la consommation du cannabis sont différées et amoindries, du fait de la rémanence exceptionnelle de son THC dans l’organisme. Ainsi, à la différence des consommateurs de drogues rapidement éliminées, les cannabinophiles ne présentent un syndrome d’abstinence qu’à distance de l’arrêt de la consommation de cannabis. L’expérimentation animale mimant une élimination rapide du THC, par l’administration d’un antagoniste des récepteurs CB1, a rendu patent ce constat de dépendance physique. Il était dès lors établi que le cannabis devait être considéré comme une « drogue dure ». Vous n’y pensez pas ! Alors, fortuitement (?), en tous cas simultanément, il fut proposé de rompre avec la dichotomie classique drogue douce (ne générant qu’une dépendance psychique) et drogue dure (induisant de surcroît une dépendance physique). On veut bien adhérer à la mise en veilleuse de ce distinguo, sans être dupe, néanmoins, des circonstances et du moment choisi pour ce faire.
« Relevé partiel de conclusion » le cannabis est très typiquement une drogue, de par l’intense dépendance psychique qu’il suscite. Il est en outre générateur d’une dépendance physique (même si elle est très différée par rapport à l’arrêt de sa consommation, en raison de son exceptionnelle persistance dans l’organisme). Ce n’est pas une drogue « douce », c’est une drogue lente.
Les chantres du cannabis ont aussi contesté la notion d’escalade vers d’autres drogues. Pourtant, au rythme où s’atténuent les effets que ressent le consommateur de son cannabis (par le jeu d’une tolérance), s’éveille chez lui une forte incitation à recourir à d’autres drogues. Un scientifique (B. Roques) fut missionné pour contester avec force cette escalade. Il avait pourtant co-signé auparavant une publication (dans la très prestigieuse revue internationale « Science ») montrant que des souris privées par manipulation génétique des cibles de l’action du THC – les récepteurs CB1 -, non seulement ne s’auto-administraient plus de morphine (exprimant qu’elles avaient perdu leur appétence naturelle pour celle-ci), mais de surcroit ne développaient qu’à un faible niveau une dépendance physique, c’est à dire un syndrome d’abstinence à l’arrêt d’une administration chronique de fortes doses de morphine. Dans une émission radiophonique où nous étions opposés, alors que je lui rappelais ces résultats très importants, qu’il avait cosignés, il crut pouvoir s’en sortir en déclarant que ce qui est observé expérimentalement chez l’animal n’a pas vocation à être transposé à l’Homme. Je lui demandais alors s’il était bien raisonnable d’obérer le budget de la nation, via les crédits de recherche, et de sacrifier de nombreux animaux pour réaliser des expériences dont les résultats seraient sans intérêt chez l’Homme, à défaut d’être transposables?
Je persiste à interpréter comme une « manipe », les efforts déployés par ce même  scientifique au service de la banalisation du cannabis. Il était alors très proche de la MILDT, qui « milditait » pour la légalisation du cannabis. Il avait établi sa propre échelle de dangerosité des drogues, à partir d’une sélection incomplète et partiale de critères, afin de situer le cannabis sur cette échelle. D’une façon qui, dès lors, n’avait rien d’inattendu, la dangerosité du cannabis se retrouvait en deçà de celles assignées à l’alcool et au tabac. Il n’intégrait pas dans son raisonnement le fait que la mortalité importante due à ces deux dernières drogues (qui était alors mal chiffrée) était liée à leur extraordinaire diffusion, en relation avec leur caractère licite. Cela le dispensait de conclure qu’il fallait s’opposer de toutes forces à assurer une semblable diffusion au cannabis, Sa conclusion était, au contraire, que notre société, qui ne pouvait interdire ni l’alcool ni le tabac, ne pouvait dès lors, en toute logique (la sienne) que légaliser le cannabis ; C.Q.F.D.
Il a administré en direct la preuve de sa méconnaissance de la toxicité du cannabis. Dans un débat qui nous opposait lors d’un colloque sur les toxicomanies, je me référais à l’étude, véritablement séminale, réalisée en Suède par Sven Andreason. Cette étude montrait qu’une consommation, avant l’âge de 18 ans, de plus de 50 «joints» (en tout), multipliait par 6 le risque de devenir schizophrène dans la période 18 – 28 ans. Il fit dans le sarcasme, en se demandant comment on pouvait fumer plus de 50 joints par jour. Il n’avait donc pas analysé cette étude majeure et n’avait rien compris d’une lecture trop rapide de son résumé. C’était, en l’occurrence, une défaillance très grave, pour qui se mêlait de classer les drogues sous l’angle de leur dangerosité. Plaidant dans le sens qu’attendaient les cannabinophiles militants, ce «rapport» fallacieux, rédigé par un scientifique que son expertise reconnue de physico-chimiste et de chimiste thérapeute ne préparait pas à cela, bénéficia, évidemment, d’un important retentissement médiatique.
Une malversation, régulièrement à l’œuvre, consiste à donner une énorme résonnance à tout ce qui, à travers le monde, correspond ou s’apparente à une légalisation du cannabis et à occulter simultanément les restrictions que peuvent néanmoins comporter ces politiques « laxistes ». Quand le constat des périls induits par ces politiques audacieuses contraint leurs auteurs à une marche arrière, elle n’est jamais signalée. Si chacun sait que le cannabis est « libre » en Hollande, peu nombreux sont ceux qui connaissent les restrictions apportées par la loi à cette « liberté ». Rares sont les personnes informées de la fermeture récente de centaines de ces fameuses / fumeuses « coffee shops ». Ces fumeries de cannabis étaient surtout conçues pour capter la clientèle étrangère (les bataves sont un peuple marchand) ; clientèle de jeunes français, belges, luxembourgeois….Les jeunes hollandais en étaient dissuadés par une pédagogie forte exercée par leurs parents, leurs écoles, leurs églises. Oui, mais voilà, comme celles des polders, les digues non entretenues perdent leur efficacité au cours du temps. Les jeunes hollandais finissent par devenir «accros» au cannabis ; aussi, l’Etat Hollandais « siffle l’arrêt de la récré. ». Il fait fermer nombre de coffee shops, arguant qu’on y a surpris des clients qui y fumaient du tabac. L’Etat se sert d’une législation durcie sur le tabac pour rattraper, sans le dire et ainsi sans se déjuger, son laxisme sur le cannabis dont il mesure la gravité des conséquences !
Sur ce même mode de l’information claironnée et du démenti chuchoté, avait été annoncé à grands cris, il y a quelques années, en Californie, qu’un référendum allait interroger les citoyens sur la légalisation du cannabis ; les sondages indiquaient que le oui l’emporterait ; puis on n’entendit plus parler de rien, parce que cette proposition avait été  largement rejetée.
Toujours plus fort, d’aucuns se sont appliqués à déguiser le cannabis en médicament, bon pour tout et bon pour tous. « Une loi inique privait donc les malades d’une thérapeutique irremplaçable ». Certes, les nombreux composants du chanvre indien développent de multiples effets, mais leur potentiel thérapeutique est modeste et surtout il côtoie le pire. Nous avons analysé (supra) pourquoi cette disposition rompt avec les critères rigoureux qui valident la qualité de médicament. L’Académie nationale de médecine a démonté ce subterfuge, le résumant par la formule : « Le cannabis : un faux médicament, une vraie drogue ».
Que de temps il a fallu pour que l’évidente relation entre le cannabis et la schizophrénie soit portée à la connaissance du public. Cette relation était si grave et, partant, si incompatible avec sa légalisation, qu’elle devait être absolument occultée. Que d’infortunés parents déplorent cette occultation, maintenant qu’ils doivent vivre avec le drame de la psychose et parfois du deuil d’un de leurs enfants. Ils regrettent amèrement de ne pas avoir été avertis de ce facteur de risque ; ce qui les aurait incités à peser de toute leur force éducative contre ce fléau. Pourtant cette relation était écrite depuis 1853, dans le livre que Jacques-Joseph Moreau (dit Moreau de Tours) avait intitulé « Du haschich et de l’aliénation mentale ». Comment, d’ailleurs s’étonner qu’une drogue induisant intrinsèquement délire et hallucinations (qui sont des manifestations consubstantielles de la schizophrénie), ne décompense une vulnérabilité à développer la schizophrénie ; n’aggrave son évolution ; n’induise une résistance aux traitements qu’on lui oppose ; ne joue un rôle important dans l’émergence chez les psychotiques de comportements agressifs ; alors que les délire et les hallucinations sont des manifestations constitutives de la schizophrénie. Que temps a-t-il fallu pour mesurer l’énorme surreprésentation des consommateurs de cannabis parmi les psychotiques. Livrons le florilège de quelques une des arguties qui furent développées:
Il fut prétendu que l’usage du cannabis pouvait avoir un caractère thérapeutique chez le schizophrène, d’où cette folie (si j’ose dire) de ne pas empêcher les victimes de cette affection d’en consommer. Je me suis affronté à plusieurs psychiatres qui, excipant du droit au plaisir de leurs patients, les laissaient poursuivre leur consommation. Il fut aussi prétendu que la drogue constituait un moyen de socialisation du patient, puisqu’elle l’incitait à sortir de son isolement pour aller à la rencontre de ses fournisseurs….Quand les données ont rendu irréfragables ces liaisons dangereuses entre le cannabis et la schizophrénie, au lieu d’en faire, enfin, un des éléments forts d’une pédagogie axée sur la prévention, le discours devint « d’accord, mais pas chez tous les utilisateurs ». Bien sûr ! évidemment ! Mais c’est comme si la prévention routière, au lieu de dissuader de franchir la ligne continue au sommet des côtes, soulignait que l’on n’est, somme toute, que rarement confronté à une automobile venant en face.
Ceux-là mêmes qui ont créé et / ou laissé se développer la pandémie cannabique, entonnent maintenant, avec un faux air désolé, le refrain du « c’est trop tard » et invitent au renoncement. Ils expliquent que le chiffre des consommateurs est tel qu’on ne peut plus rien arrêter. L’ennemi étant dans la place, il faut signer l’armistice ; c’est à dire rompre avec la prohibition. Ils feignent d’ignorer que des pays qui furent très laxistes avec le cannabis se sont ravisés avec une remarquable efficacité ; comme le fit la Suède, d’une façon exemplaire, après les années 1980. Voilà qui démontre que, même en matière de toxicomanies, on peut perdre une bataille sans avoir perdu la guerre, pour autant qu’on veuille résister.
Un autre florilège, s’applique à faire accroire qu’on éteindrait le feu dans certaines cités et qu’on y supprimerait la délinquance, par la légalisation du cannabis. Cet angélisme suppose que ceux qui s’adonnent au deal du cannabis (leur nombre a été estimé à 100.000), se reconvertiraient illico dans la vente des fraises Tagada, du muguet au premier mai et des sorbets citron à la période estivale. Evidemment, il n’est pas même imaginé qu’ils se reconvertissent dans le trafic d’autres drogues, dans celui d’armes de guerre ou dans le proxénétisme. Dans des états américains ayant récemment légalisé le cannabis, une explosion de l’offre d’héroïne  a été observée sans délai; ce qui n’avait rien d’inattendu.
Il a aussi été proclamé que le cannabis, lui, ne tuait pas. C’était la généralisation, fallacieusement abusive, du constat qu’une très forte dose de THC n’est pas létale (à la différence d’une «overdose » d’héroïne). Ce raccourci méconnait, à dessein, et donc de façon trompeuse, les morts que recrute le cannabis : sur la route et dans certaines activités professionnelles ; ceux des cancers ORL et broncho-pulmonaires ; ceux emportés par des infarctus du myocarde ; ceux ne survivant pas à leur accident vasculaire cérébrale ; ceux qui succombent à de méchantes pancréatites ; ceux victimes de certains cancers du testicule ; les suicides liés à l’induction d’une dépression ; la désinhibition et ses possibles conséquences médico-légales, (défenestrations, rodéos automobiles ou motocyclistes, crimes, relations sexuelles non protégées vis-à-vis de l’hépatite C ou du SIDA ; la schizophrénie, dont 10% des victimes meurent de mort violente.
Une autre « manipe », pleine d’attraits dans cette période de dénuement économique, invite à imaginer qu’une régie nationale du cannabis encaisserait des taxes élevées. Qui plus est, ce cannabis serait produit par nos agriculteurs, avec des plus-values considérables. On libérerait la police de ses tâches de surveillance des 100.000 dealers de cannabis, puisqu’ils seraient peut-être devenus instituteurs ou ecclésiastiques. Ces hypothèses, bien sûr, se gardent d’évaluer le prix pour la santé publique, ni d’envisager les conséquences sociétales de cette légalisation; ignorant délibérément « qu’il n’est de richesse que d’Hommes ».
A ce moment j’ai une pensée émue pour le professeur Gabriel Nahas qui fut très seul en son époque, pour informer courageusement des méfaits du cannabis. Il le fit jusqu’à un âge avancé, ce qui lui valut l’aimable déclaration d’un des « scientifiques » mobilisé par la MILDT (J.-P.Tassin) « on ne tire pas sur les ambulances » ; une pensée non moins émue pour le docteur Léon Hovnanian, qui mit en place, contre vents et marées, le Centre National d’Information sur les Drogues (CNID). Ce médecin, ancien résistant, député, maire de Saint Gratien, conseiller général, paya son militantisme anti-cannabis et plus largement anti-drogues de n’être honoré d’aucune décoration. J’associe à ces hommages beaucoup d’autres ami(e)s  (J.-P. Bruneau, T. Hannier, S. Daout, P. Beyries, R. Maillet, les docteurs F. Daher, J.-L. Saladin,  P. Mura, J. Chamayou, L. Verzeaux, P. Czerwinski, P. Lemoine; les professeurs J.-P. Goullé, J.-P. Tillement, M. Paris, J.-M. Warnet et les défunts professeurs et académiciens : Paul Lechat, Roger Boulu, Pierre Delaveau, Roger Nordmann, Bernard Hillemand, Georges Mahuzier, Pierre Ambroise-Thomas, Charles Haas (qui pour ces derniers furent tous membres de notre CNPERT).
Il est de plus en plus à craindre que les efforts déployés par des lobbies influents, qui sévissent en particulier dans le monde des médias, aboutissent à la dépénalisation, puis à la légalisation du cannabis. Cela ne manquerait pas d’accroître sa diffusion, à la mesure de celles de l’alcool et du tabac, aggravant la catastrophe sanitaire imputable à ces deux dernières drogues. Mobilisons-nous, il n’est jamais trop tard. Quand on a fait tout ce que l’on a pu, on a fait ce que l’on a dû. Si les chiens aboient et que néanmoins la caravane passe, cette dernière se souvient de ces aboiements et la suite de son trajet peut s’en trouver, à des degrés divers, affectée. En d’autres termes, même si nous, détracteurs du cannabis, sommes minoritaires et dérangeons, nous devons résister, car nous disposons de toutes les données qui nous donnent raison. Et si la folie de la légalisation finissait par l’emporter, nous en dénoncerions les auteurs ainsi que les conséquences de leur forfait, dans le but de faire supprimer cette disposition criminelle. En France, le char de l’état n’a pas de marche arrière, le législateur est incapable de reconnaître ses erreurs. La grande difficulté qu’il y aurait à abolir cette légalisation, doit nous inciter à tout faire pour l’empêcher.

On ne sait pas soustraire un toxicomane de l’emprise du cannabis, mais…
Une lueur d’espoir vient d’apparaitre dans le ciel sombre du cannabis. Une équipe de neurobiologistes Bordelais (V. Piazza) a observé que la stimulation intense des récepteurs CB1 suscite, d’une façon apparemment protectrice, une production accrue de prégnénolone. Ne pouvant faire appel à ce neurostéroïde pour aider au sevrage du THC (mauvais accès cérébral et brève durée de survie), il constitue néanmoins un modèle pour inspirer le développement de molécules apparentées, accédant aisément au cerveau et résistant à une inactivation rapide, capables de reproduire les effets entrevus à la prégnénolone (M. Vallée et coll., Science, 2014, 343, 94-98). Une première molécule est déjà étudiée (AEF 1007). L’espoir que cela fait naître invite à en suivre de près les développements.
On est actuellement totalement démuni pour sevrer un sujet dépendant du cannabis. L’incapacité d’éteindre cet incendie, tout doit mobiliser pour empêcher qu’il s’allume. Si l’on a échoué à le prévenir, on doit alors tout faire pour le contenir. Il en va de même lorsqu’on ne dispose pas d’antibiotiques efficaces pour traiter une infection, pour s’en prémunir, on vaccine et on prend des mesures d’isolement et de quarantaine. Impuissants, donc, à traiter l’addiction au cannabis et ne pouvant compter sur la volonté de ses victimes, car cette volonté est abolie (aboulie) par la drogue, toutes les forces doivent être déployées au service de la prévention ; d’autant que l’addiction au cannabis augure du passage à d’autres drogues, encore plus détériorantes. La pandémie cannabique menace l’avenir de l’individu et, avec lui, le pronostic vital de notre société. N’écrivons pas collectivement, la tête dans le sable, son déclin puis son anéantissement. Opposons nous, sans faiblesse aux desperados qui s’y emploient.
C’est sur une note pessimiste qu’on est conduit hélas à conclure ce chapitre, en évoquant les cannabinoïdes de synthèse qui apparaissent sur le marché et qui s’y multiplient. Ils sont encore plus puissants que le THC. Ils se voient déjà imputer des décès (6100 en 2012, dont 340 en France). Si c’est seulement ici et maintenant que vous découvrez cette information c’est que vos médias préférés n’en ont pas fait état, ou qu’ils l’ont fait avec une discrétion de violette sans parfum. La toxicité de ces nouveaux cannabinoïdes peut se manifester par une hypertension artérielle, une tachycardie, un infarctus du myocarde, un arrêt cardiaque ; des vertiges ; des hallucinations. Ils peuvent être à l’origine d’auto- ou d’hétéro-agressivité…Ils sont fabriqués en Chine et en Inde à bas coût. Arrivés en Europe certains sont mélangés à des végétaux séchés et pulvérisés ; ils sont conditionnés comme « euphorisants légaux » (legal highs), proposés sur l’Internet (650 sites ont été recensés en Europe). Au premier semestre 2013, 18 pays de l’Union Européenne ont fait état de plus de 1800 saisies de ces nouvelles drogues.
Charles Baudelaire, qui avait expérimenté le cannabis dans le club parisien des « Haschischins », a exprimé dans « Les paradis artificiels » maintes critiques  dont il est opportun de reproduire ici un bref extrait. « Mais le lendemain ! Le terrible lendemain ! Tous les organes relâchés, fatigués, les nerfs détendus, les titillantes envies de pleurer, l’impossibilité de s’appliquer à un travail suivi, vous enseignent cruellement que vous avez joué à un jeu défendu. La hideuse nature dépouillée de son illumination de la veille, ressemble aux mélancoliques débris d’une fête. La volonté surtout est attaquée, de toutes les facultés la plus précieuse. On dit, et c’est presque vrai, que cette substance ne cause aucun mal physique, aucun mal grave, du moins. Mais peut-on affirmer qu’un homme incapable d’action, et propre seulement aux rêves, se porterait vraiment bien, quand même tous ses membres seraient en bon état ? Or, nous connaissons assez la nature humaine pour savoir qu’un homme qui peut avec une cuillerée de confiture (la confiture verte du club des haschischins) se procurer tous les biens du ciel et de la terre, n’en gagnera jamais la millième partie par le travail. Se figure-t-on un Etat dont tous les citoyens s’enivreraient de hachisch ? Quels citoyens ! Quels guerriers ! Quels législateurs ! Même en Orient, où l’usage en est si répandu, il y a des gouvernements qui ont compris la nécessité de le proscrire. En effet, il est défendu à l’Homme, sous peine de déchéance et de mort intellectuelle, de déranger les conditions primordiales de son existence et de rompre l’équilibre de ses facultés avec les milieux où elles sont destinées à se mouvoir, en un mot, de déranger son destin pour y substituer une fatalité d’un nouveau genre……

Pourquoi la prohibition  du cannabis ne fonctionne pas
La prohibition de l’usage du cannabis fonctionnant très mal en France, le secrétaire d’Etat aux relations avec le parlement, J.-M. Leguen, relativisant ses méfaits sanitaires (ce qui est inattendu s’agissant d’un médecin), prône sa dépénalisation – préalable à sa légalisation. En politicien habile il assortit sa proposition de quelques précautions d’usage pour enfumer le « bigot de la prohibition » selon ses termes. C’est un de ces « bigots » qui lui répond ici.
Si, comme lui, nous constatons que la prohibition du cannabis, instaurée par la loi de 1970, n’a pas empêché les français d’être, parmi les 28 états membres de l’Union européenne, les recordmans de sa consommation, par contre notre analyse s’oppose à la sienne. Avant d’envisager de renoncer à cette prohibition il importe de comprendre pourquoi et par la faute de qui, cette prohibition ne fonctionne pas ; ce détour étant indispensable pour la faire fonctionner.
Remarquons d’abord que les français entretiennent des rapports singuliers avec les drogues, en battant divers records de consommation : du tabac avec 13 millions de fumeurs et 78.000 morts par an ; de l’alcool avec 4 à 5 millions d’alcoolo-dépendants et 49.000 morts par an (deux drogues dont la licité n’a pas empêché ces records) ; du détournement des produits de substitution aux opiacés (codéine, Subutex, méthadone…) ; de la diffusion de l’héroïne avec 250.000 morphino-dépendants, de l’abus des hypnotiques et des benzodiazépines anxiolytiques….Notre propension toute nationale aux abus justifie des contraintes spécifiques pour les contenir.
La loi de prohibition du cannabis est largement méconnue des adolescents. Elle l’est aussi de leurs parents, à moins qu’ils soient allés chercher au commissariat de police leur rejeton, pris en flagrant délit de consommation, d’achat ou de vente de cannabis. Elle est méconnue des adolescents parce qu’elle n’est pas enseignée (excepté par les rares exposés de la gendarmerie dans les collèges et lycées) ; parce qu’elle n’est pas rappelée par les médias, hormis quand ils militent pour son abolition. Cette loi est incomprise, à défaut d’être expliquée et plus encore justifiée à partir des considérations sanitaires qui devraient prévaloir ; en expliquant pourquoi le cannabis est délétère pour la santé physique et pour la santé psychique ; aspects sur lesquels il y a tant à dire. Sans cet argumentaire la loi apparait tel un oukase de « papys grognons », conçu pour « emmerbéter les mômes ». Ainsi a-t-on vu croître le nombre des parents qui ignorent cette loi et qui, y contrevenant eux-mêmes, se mettent hors-jeu pour en faire la pédagogie.
Les enseignants dont les efforts sont ruinés au quotidien par l’intrusion du cannabis dans le cerveau des élèves avec les catastrophes éducatives corrélatives, ne sont pas formés pour en parler. Dans mes actions pour exposer les méfaits du cannabis, je me suis heurté à la bastille imprenable de l’Institut universitaire de formation des maitres (IUFM) de mon académie. Cette obstruction à la formation sur ce thème des formateurs de nos jeunes parait délibérée.
Ce n’est que depuis peu que les parents prennent conscience de l’envahissement de notre société et de la menace de contamination de leurs enfants par le cannabis, au pays qui compte près de cent mille dealers de cannabis ; que ne les a-t-on prévenus beaucoup plus tôt ?
Nos jeunes sont très régulièrement destinataires de messages biaisés, fallacieux, dont certains émanent même de membres du gouvernement ou des assemblées.
La mission interministérielle de lutte contre les drogues et toxicomanies (MILDT) ; eut pour directrice N. Maestracci, puis pour directeur D. Jayle, qui se démasquèrent prolégalisateurs. Quand, à un prix exorbitant, la MILDT, dirigée par E. Apaire, faisait passer un clip de quelques dizaines de secondes fustigeant cette drogue (clip abscons pour des esprits embrumés de cannabis), dans les jours suivants, une chaîne de TV présentait une émission interminable qui entonnait un hymne au cannabis, sans la moindre allusion à ses méfaits.
Dans ce contexte, qui peut raisonnablement s’étonner que la prohibition ne fonctionne pas. La pandémie cannabique est le résultat de manipulations délibérées, entretenues, périodiquement ranimées ; la déclaration de J.-M. Le Guen en étant un des récents avatars.
Cette situation n’est pas irréversible, comme le montre l’exemple Suédois, si peu cité qu’il est ignoré. Il devrait pourtant inspirer nos politiques publiques. Dans les années 1970 le cannabis (cinq fois moins riche en THC que celui qui circule actuellement) coulait à flot sur la jeunesse Suédoise, quand fut établie (S. Andreasson, 1983) sa responsabilité dans la survenue de la schizophrénie (« la folie »). La réponse fut l’adoption d’une loi proche de la loi française, mais que la Suède a su faire respecter. Elle y est parvenue par une pédagogie qui, de la maternelle jusqu’à l’université, comporte une quarantaine d’heures d’enseignement, d’entretiens dirigés, de débats, sur les méfaits des drogues. Aujourd’hui la Suède peut s’enorgueillir de compter (en proportion bien sûr) dix fois moins de toxicomanes que la moyenne européenne. « Où il y a une volonté il y a un chemin » (en l’occurrence les résultats suédois), mais quand prévalent la méconnaissance, la négligence, l’indifférence, les biais, l’enfumage, la complaisance, on aboutit au calamiteux record français.
Les raisons invoquées par les jeunes qui ne consomment pas de cannabis tiennent, pour 60% d’entre eux, à la toxicité de cette drogue et, pour 40%, à l’interdiction du produit. Autoriser cette drogue, fera croire à ces premiers qu’elle n’est pas toxique tandis qu’elle lèvera l’interdit qui retenait les autres.
N’en déplaise à P. Menucci (député Marseillais), les vingt malfrats qui tombent annuellement, sous les balles de kalachnikov tirées par leurs concurrents sur le marché de la drogue, sont peu nombreux en comparaison des dizaines de milliers de victimes du cannabis (accidents routiers et professionnels, suicides, accidents et agressions par désinhibition, toxicité cardio-vasculaire, accidents vasculaires cérébraux, cancers, polytoxicomanies….) et de toutes les situations de déchéance sociale qu’il recrute.
Le cannabis n’obscurcit pas seulement l’esprit de ses consommateurs, il atteint aussi gravement celui des bigots de sa légalisation. Ceux qui aujourd’hui requièrent la légalisation du cannabis ont déjà, pour beaucoup d’entre eux, exprimé leur volonté de voir autoriser toutes les drogues. Ils ont aussi plébiscité les « salles de shoots » qui pourront accueillir les multiples victimes supplémentaires de leurs choix irresponsables.

Quelles motivations animent les militants de la légalisation du cannabis                           (« Croire que c’est inévitable, dispense de vouloir éviter »)
A l’heure où ceux  qui requièrent la légalisation du cannabis seraient selon certains médias si nombreux  (47 à 53 % des français selon les enquêtes) essayons d’identifier leurs motivations.
Il y a avant tout les consommateurs et parmi eux des adultes qui s’irritent de devoir, comme des bizuths, aller acquérir leur « shit » (résine de cannabis) dans des quartiers glauques, en risquant de se faire prendre par la police.
Il y a ceux qui ne veulent plus revivre la honte d’aller chercher leur progéniture au commissariat de police, après qu’elle se soit fait cueillir par la police en flagrant délit de consommation ou de « deal ». Leur vraie honte, soit dit en passant, devrait être celle de n’avoir pas su empêcher leur enfant d’en devenir consommateur.
Il y a les libertaires ; « liberté chérie », adeptes du « fais ce que veux », « soixantehuit attardés » de l’interdiction d’interdire.  Outre le droit à l’erreur, ils requièrent celui à l’incohérence, car ils militent simultanément pour une société plus solidaire, prenant davantage en charge ceux qui succombent  alors que notre société n’en a plus les moyens.
Il y a des  bobos qui s’émeuvent que des Etats aient cédé avant le nôtre à la pression de leurs cannabinophiles, nous ravissant le rôle de mentors de la planète, alors que cette évolution leur paraît  inéluctable.
Il y a, comme toujours, les « idiots utiles », non consommateurs,  qui enfourchent toutes les chimères branchées (« chébran ») pour être dans le vent, craignant d’être taxés de « ringards ».
Il y a des gauchistes pour qui la pénalisation s’apparente à la Lepennalisation (la formule m’a déjà été infligée). Nous, prohibitionnistes, sommes pour eux des racistes (pas moins), des antisémites (là je ne comprends pas),  des Pétainistes (?),  des fascistes (?) – Ce recours à l’anathème les dispense d’avoir à se justifier. Peut-être font ils aussi référence au fait que ces idéologies étaient, elles aussi, prohibitionnistes ; mais alors pourquoi pas non plus Staliniens ? Ou Maoïstes(Sans doute parce ce que ce n’est pas pour eux une insulte).
Il y a ceux qui, pour se déculpabiliser de n’avoir pas voulu ou pas su empêcher leurs proches de succomber à cette drogue, verraient dans sa légalisation, et partant sa banalisation, l’attestation de son innocuité (oui mais les données sanitaires sont là).
Il y a ceux qui voudraient tirer profit d’une large commercialisation de ce cannabis.  La « fricophilie  de ces  rapetous » s’aiguise à la vue des pactoles amassés par leurs prédécesseurs dans les pays qui l’ont légalisé (Hollande, Colorado…).
Il y a les démagogues, à l’affut du vote des « jeunes », ainsi que ceux qui ne veulent pas paraître vieillir (« jeunisme »).
Il y a des addictologues, incapables de traiter les  addictions de leurs patients, mais qui ne s’effraient pas de faire exploser l’importance leur patientèle en levant les restrictions  apportées aux pratiques toxicomaniaques. Ils revendiquent de façon tonitruante la légalisation du cannabis, ainsi que de toutes les autres drogues ; la dispensation sans restriction des substituts de l’héroïne ; ils demandent la  mise à disposition d’une « héroïne médicale », que les héroïnomanes pourraient s’injecter en toute sécurité dans les « salles de shoots ». Ce continuum diabolique, est de nature à ériger l’addictologie au premier rang  des spécialités médicales.
Il  y a des « décideurs » qui voient dans le cannabis un apaisant social, capable de transformer les indignés (pour beaucoup victimes de leur incompétence) en résignés (beaucoup plus faciles à gérer).
Il y a des écologistes, dévoués à la régression économique de notre société industrielle, qui voient dans la généralisation du cannabis un moyen efficace pour créer l’aboulie, le syndrome amotivationnel,  le j’men foutisme, propices à  l’aboutissement de leur projet.
Il y a les déconstructeurs, les desperados,  à l’affut de tous les changements qui pourraient détruire notre société, saisis par un « appétit destructeur » de cette société qui ne leur a pas donné la place qu’ils ambitionnaient. Ils sont tels ces enfants qui ayant perdu la partie renversent le jeu. Ils attendent de cette intoxication collective l’aboutissement de leur nihilisme, une terre brulée au feu du cannabis.  Ils s’inspirent des imprécations de Louis Aragon : « Nous ruinerons cette civilisation qui vous est chère… Monde occidental tu es condamné à mort. Nous sommes les défaitistes de l’Europe… Voyez comme cette terre est sèche et bonne pour tous les incendies. Que les trafiquants de drogues se jettent sur nos pays terrifiés. Que l’Amérique, au loin, croule de ses buildings blancs… » (La révolution surréaliste, n° 4, 1925) ». Leur « homo addictus » fait pièce au transhumanisme naissant (qui d’ailleurs ne fait pas moins peur).
Il y a ceux, incapables de se grandir, qui s’appliquent à rétrécir les autres. Pensant être capables de résister à l’attrait de la drogue, ils misent sur l’intoxication de leurs contemporains, pour affirmer leur prééminence et créer la distance.
Il y a ceux qui, pour réchauffer leur petite gamelle (car ils veulent manger bien chaud), allument leur petit feu dans la forêt de résineux qui s’embrasera ; en d’autres termes qui, pour accéder librement à « leur » cannabis, ne se préoccupent pas des dégâts collatéraux qu’ils provoqueront  chez nos jeunes, si vulnérables.
Il y a ceux qui, dans la compétition religieuse s’exacerbant, voient dans la légalisation des drogues, sur fond d’une forte imprégnation alcoolique, une prime promotionnelle pour ceux qui sauront faire respecter leur interdiction.
Il y a encore, de façon anecdotique, un pourfendeur respecté du tabagisme (le Pr. B. Dautzenberg) qui, au soir de son combat perdu contre cette toxicomanie, sort de son chapeau, comme recette pour alléger la pression qui s’exerce sur le tabac,  la légalisation du cannabis pour détourner certains fumeurs du tabac. Contrairement à son calcul / imagination, ce ne sera pas « poire ou fromage », mais tabac plus cannabis. Remplacer une drogue par une autre encore plus dangereuse, rappelle Gribouille qui se jetant à l’eau pour se protéger de la pluie.
Il y a enfin les autres, tous les autres, mobilisés au service de cette légalisation, dont je n’ai pas  percé  les motivations et qui, ne correspondant pas aux typologies précédentes. Ils voudront bien me révéler leurs motivations ; c’est le seul service que j’attends d’eux pour continuer de combattre leur criminelle détermination.
Quant au débat réclamé avec insistance par ceux qui veulent la légalisation du cannabis,  constatons qu’il évolue sur un mode chronique depuis de nombreuses années ; il ne sera jamais clos tant qu’ils n’auront eu gain de cause. Ils sont pressés car la multitudes d’arguments irréfutables qui se sont accumulés ne vont pas pouvoir être occultés bien longtemps encore par les médias, acquis pourtant dans leur très grande majorité à cette légalisation. Le débat qu’ils demandent commence très mal. Ce jour (3 novembre 2016) pour en débattre sur France Info, quatre débatteurs étaient conviés : tous quatre à des nuances près pour cette légalisation ; un ancien ministre de l’intérieur socialiste D. Vaillant, un membre du « think tank »  terra nova, proche du parti socialiste, Mr Karsenty ; l’auteure d’un livre constatant l’emprise du cannabis sur la ville de Saint Ouen, et le maire de cette ville. Aucun argument parmi ceux exposés ici n’eut évidemment droit de citer. Depuis plus de vingt ans les  chantres de la légalisation sont conviés à s’exprimer seuls, sans contradicteur. Quand certaines émissions  font l’effort d’inviter un prohibitionniste, elles prennent grand soin de ne jamais le laisser seul et poussent leur sollicitude à lui trouver comme compagnie, non pas un seul, mais deux voire trois contradicteurs. Ayant été souvent mangé à cette sauce, tuméfié, couturé, à l’issue de tels pugilats  proches de l ‘embuscade, je ne serais favorable au débat demandé que lorsque sera assuré l’exigence minimale de neutralité et d’équité des médias organisateurs.
Soumettre ce sujet à l’opinion publique impose préalablement que les citoyens appelés à prendre position sur le maintien et l’application de la loi de prohibition de 1970, ou sur une  légalisation d’emblée ou par un fondu-enchainé avec une dépénalisation intermédiaire, disposent d’une très bonne connaissance des dangers sanitaires et sociaux du cannabis, que trente années de désinformation ont occulté. Quand on évalue la connaissance (exercice  qu’affectionne l’auteur qui a enseigné durant cinquante ans) dont dispose la grande majorité de nos concitoyens sur  les méfaits du cannabis, on constate que faute d’avoir bénéficié d’une information honnête, ils la méconnaissent ou la minimise. Dans ces conditions les faire arbitre de la légalisation du cannabis revient à mettre la charrue avant les bœufs, à amener la soupière à table alors que cuillères et assiettes n’ont pas été disposées. Trêve d’hypocrisie, de postures, de malversations. Ne confions pas à ceux qui sont à l’origine de cette pandémie cannabique le soin de « résoudre »ce grave problème, ils ne sauront que l’aggraver.
Conclusion
Comment prétendre que la légalisation du cannabis pourrait faciliter la pédagogie de ses méfaits ? On dispose en France, avec l’alcool et le tabac de semblables expériences menées sur une très grande échelle avec des chiffres terrifiants. Ce tabac, avec ses treize millions de sujets dépendants et ses 78.000 morts annuellement ; l’alcool avec ses quatre millions de sujets alcoolo-dépendants, ses dizaines de milliers d’alcooliques invétérés et ses 49.000 morts chaque année ; sans oublier les innombrables estropiés de ces deux drogues. Ce n’est pas à l’heure où on prend enfin la mesure de cette saignée démographique,  de ces drames sanitaires, de l’affaiblissement intellectuel et économique de notre nation, à l’heure où elle doit s’inscrire dans la compétition internationale (sorte de jeux olympique de l’intelligence et des performances physiques et psychiques), dans une période de grande désorientation de notre jeunesse, déboussolée par des mutations profondes, non anticipées  mal maitrisées, qu’il faut ajouter aux drogues anciennes et nouvelles une facilité redoublée de s’intoxiquer, en promouvant davantage ce cannabis dont la consommation ne cesse de s’accroître. On ne conjure pas les drames en en libérant le cours.
J’aimerais terminer en exprimant la formule séminale de notre CNPERT : « S’il est important de se préoccuper de l’état de la planète que nous léguerons à nos enfants, il est encore plus important de nous préoccuper de l’état des enfants que nous léguerons à cette planète »

*docteur en médecine ; pharmacien ; docteur ès sciences ; professeur émérite de la faculté de médecine & pharmacie de Rouen ; directeur de l’unité de neuropsychopharmacologie du C.N.R.S. (1984-2008) ; directeur de l’unité de neurobiologie clinique du CHU de Rouen (1999-2011) ; membre titulaire de l’académie nationale de Pharmacie ; membre titulaire de l’académie nationale de Médecine. Président du centre national de prévention, d’études et de recherches sur les toxicomanies (CNPERT)

Le lecteur pourra compléter les informations présentées en se reportant aux livres que l’auteur a consacrés à cette drogue ou auxquels il a contribué :
–  «Halte au cannabis», J. Costentin, Editions O. Jacob,  2007
–  «Pourquoi il ne faut pas dépénaliser l’usage du cannabis»,  J. Costentin
Ed. O. Jacob,  2012
– «Le cannabis, ses risques à l’adolescence», H. Chabrol, M. Choquet, J. Costentin , Ed. Ellipses 2007
– «Désamorcer le cannabis dès l’école» Acad. Nationale de Médecine, ouvrage collectif, Editeur R. Nordmann, Ed. Lavoisier, 2007
– «Débat : pour ou contre la dépénalisation du cannabis», L. Appel, J. Costentin,  I. Obradovic, A. Rigaud.  Ed. Le muscadier,  2013
– En préparation : « Le désastre des toxicomanies en France » J. Costentin ; parution prévue durant le 2ième semestre 2017.

Le blog du CNPERT « drogaddiction.com »  est accessible gratuitement à quiconque veut être tenu informé des informations récentes sur les drogues et toxicomanies

La lettre du CNPERT, qui en est à sa XCVIIIème  édition,  sur simple inscription gratuite, vous sera diffusée par le NET ; elle comporte des analyses émanant de membres du CNPERT et de nombreuses informations sur les drogues.        (jean.costentin@univ-rouen.fr)